Tour à tour siège du Monde, pôle financier du ministère de la Justice et l’un des flagships parisien de WeWork, le 5-7 rue des Italiens dans le quartier de l’Opéra à Paris 9e aura eu plusieurs vies locatives, sous différents propriétaires. Pas plus tard que vendredi dernier, cet actif core a une nouvelle fois changé de mains... Selon nos informations, l’opus tertiaire aux 7 687 mètres carrés quitte, pour la deuxième fois de son histoire, le patrimoine de Générale Continentale Investissements (GCI). Le fonds d'investissement de la famille Raingold, avec son family office partenaire, cède l’ensemble immobilier à KanAm Grund Group pour le compte d'un fonds discrétionnaire. Face à d’autres offres émises par des assureurs français, de puissants fonds core internationaux et des family offices, le plus francophile des investisseurs allemands l'a remporté, en proposant environ 26 000 €/m2 – soit 190 M€ d’après nos sources. Quant au taux, il se fixe, selon nos informations, entre 2,85 et 2,9 %.
Création de valeur importante
Avec cette cession, GCI cristallise une importante création de valeur sur le 5-7 rue des Italiens, situé dans le quartier central des affaires parisien (QCA). Le spécialiste du value-add s'était séparé de cet édifice en 2012 auprès d'une caisse de retraite qui, à son tour en 2018, avait accepté de lui revendre pour un montant légèrement supérieur à 100 M€ (≈ 15 000 €/m2) selon nos sources. Très vite, la famille Raingold déroule sa thèse d’investissement, reposant sur une lourde restructuration de l'ensemble haussmannien, afin de tirer parti de la hausse des valeurs locatives dans le QCA. Conçu par l'agence DTACC Architectes, ce projet avait une double ambition : respecter l’histoire du bâtiment, tout en offrant des lieux répondant aux nouveaux modes de travail. En outre, l’infrastructure du bâtiment a été ré-imaginée pour une exploitation optimale des surfaces et l’intégration de nombreux services (salles de réunion, espaces détente...). Menée avec brio, cette stratégie se révèle payante... En 2019, deux ans avant la livraison de l’actif remanié, GCI signe un bail en état futur d’achèvement (befa) avec WeWork, qui s’y engage pour 12 ans fermes. Le géant américain des bureaux partagés en récupère les clés au premier trimestre 2021. D’après nos informations, l’illustre locataire a signé la globalité de l’actif contre un loyer de 850 €/m2/an. « C'est un immeuble qui a une histoire particulière pour nous, l'ayant revendu deux fois à dix ans d'intervalle, en lui offrant un nouveau chapitre avec WeWork, souligne Raphael Raingold, directeur associé de GCI, qui compte 1,5 Md€ d'actifs sous gestion. Cet immeuble emblématique est parmi les plus beaux actifs de Paris, par son histoire, son architecture et sa localisation. »
Process de vente retardé
Selon nos investigations, GCI souhaitait se délester du 5-7 rue des Italiens dès janvier 2021. Mais c’était sans compter sur le report de l’IPO WeWork à Wall Street de 2019 à... 2021 et l’éviction de son fondateur Adam Neumann. Cette mésaventure avait d’ailleurs refroidi bon nombre d’investisseurs immobiliers sur la solidité du business model des opérateurs de coworking. De facto, le géant américain a enclenché une rationalisation de son portefeuille immobilier, dans le cadre d’un plan stratégique visant à atteindre la rentabilité. En 2020, au cœur de la crise sanitaire, l'exploitant accuse même une perte de 3,2 Md€. Huit mois après son introduction en Bourse, WeWork se valorise 5,3 Md$ – contre 47 Md$ estimés à la première tentative de l'IPO. Nombre de projets d’ouverture de sites prévus de longue date ont par ailleurs ont été stoppés net, à l’exemple des Collines de l’Arche (15 000 mètres carrés) à La Défense en 2021. « Malgré le contexte difficile, l’ouverture de WeWork à Opéra Italiens n’a jamais été remise en question », certifie un ancien responsable de WeWork France. Selon nos sources, GCI, qui n'avait aucune raison de précipiter la cession, a attendu la meilleure fenêtre de tir pour adresser l’actif au marché. « Un process de vente a été initié pendant la crise sanitaire, mais ses propriétaires ont préféré attendre que l’IPO de WeWork soit réalisée pour obtenir le prix de vente escompté pour leur immeuble », confie un investisseur de la place. Et un autre d’embrayer : « Ce dossier fait figure de test pour le marché. Il permet de savoir à combien peut sortir un actif entièrement occupé par un coworker. »
L’attrait du quartier de l’Opéra
La mainmise de KanAm Grund Group sur le 5-7 rue des Italiens témoigne de l’appétit des investisseurs dans le secteur de l’Opéra à Paris QCA. En mars dernier, ce quartier enregistrait l’un des plus grands dossiers de l’année, qui n’est autre que la vente-utilisateur de Society Lorette. L’actif aux multiples adresses – les 24-26 rue Le Peletier, 23-25 rue de Provence et 15-17 rue Chauchat – a été remporté par le groupe Dassault auprès de la joint-venture formée par Axa IM Alts et Norges Bank Investment Management (NBIM). Comme annoncé par CFNEWS IMMO, l’industriel français a jeté son dévolu sur cet immeuble pour y installer, consentant un loyer de près de 900 €/m2/an selon nos sources, le nouveau siège du quotidien Le Figaro d’ici la fin de l’année. Le montant de la transaction valorise l’actif aux 9 796 mètres carrés quelque 255,8 M€, soit un peu plus de 26 000 €/m2, sur la base d'un taux de 3 %. De mémoire, le fonds de pension norvégien avait signé à 50 % l’ensemble à restructurer en 2011, dans le cadre de l'acquisition de la moitié d'un portefeuille de bureaux parisiens détenu par la société de gestion, valorisé 1,4 Md€. Dans le périmètre géographique de Society Lorette, Axa et NBIM restent en revanche propriétaires à 50/50 de Society Opéra, au 24 boulevard des Italiens. Selon nos sources, les 15 000 mètres carrés de l’actif prime ont été loués par trois locataires de renom : l’institution financière publique portugaise Caixa – actuellement basée au 38 rue de Provence –, le groupe Aviv pour ses filiales SeLoger et Meilleurs Agents et le cabinet de conseil Kearney. De sources concordantes, la Caixa et Aviv s'acquitteront d’un loyer autour de 900 €/m2/an.
La force de frappe de KanAm Grund en France
Avec la signature d’Opéra Italiens, KanAm Grund affiche un intérêt sans faille pour le marché des bureaux tricolore. Comme l’a révélé CFNEWS IMMO en septembre dernier, le gestionnaire d’actifs d'outre-Rhin s’est positionné sur le 8 Hanovre – dans le 2e arrondissement – et le 9 Athènes – dans le 9e arrondissement –, cumulant respectivement 2 200 et 1 700 mètres carrés. Selon nos informations, le montant de la transaction pour ce portefeuille cédé par la foncière cotée Bleecker a été arrêté à 70 M€ environ. En juin 2021, après une année de flottement imputée à la Covid-19, le gérant allemand s’offrait le 35 rue Marbeuf à restructurer, dans le 8e arrondissement de Paris, pour plus de 50 M€ d’après nos sources. Sans oublier de renforcer ses positions en région… Pêle-mêle, KanAm Grund a signé l’immeuble Neo à Nice (+50 M€), la tour In Nova à Bordeaux (30-40 M€) et le projet tertiaire Panorama à Lille (30 M€ à un yield d’environ 5 % selon nos infos).