
La jurisprudence Lupa de 2016 avait entravé la possibilité de céder des sociétés non soumises à l'IS (SCI, SNC) détenant des biens immobiliers porteurs de plus-values latentes sans que celles-ci n’entrainent l’application d’une décote.
De nombreux observateurs salueront la solution retenue par le Conseil d’État dans son arrêt FRA (CE 24 avr. 2019, n° 412503, Sté FRA SCI) autorisant les futurs cédants de parts de sociétés translucides (non soumises à l’IS) de renouer avec la pratique qui consistait à ne pas appliquer de décote pour fiscalité latente sur leurs actifs immobiliers dès lors que l’acquéreur pouvait les appréhender sans coût fiscal. Étaient en cause dans cette affaire les modalités de calcul de la plus-value de confusion de ces parts, celles-ci faisant historiquement l’objet d’une attention particulière dans la négociation de nombreux deals immobiliers dont elles peuvent constituer l’un des éléments déterminants – notamment parce que c’est justement de ces modalités de calcul que dépend la possibilité pour le cessionnaire de purger sans coût fiscal les plus-values latentes sur les immeubles.
Olivier Parawan, Mayer Brown.
En transposant ce mécanisme aux opérations de dissolution sans liquidation la pratique avait permis aux acquéreurs de sociétés translucides de purger sans coût fiscal les plus-values latentes sur les biens immobiliers qu’elles détenaient. L’écart de réévaluation des immeubles consécutif à la dissolution était imposé entre les mains de l’associé tout en étant compensé par la moins-value d’annulation des parts dont il venait augmenter le prix de revient. Cette indifférence pour l’éventuelle plus-value latente portée par les actifs immobiliers sous-jacents lors des share deals était devenue une pratique de marché largement admise par l’administration fiscale (RES n° 2007/54 (FE)) comme par le Conseil d’État (CE 27 juil. 2015, n° 362025 SA Matériels électriques ascenseurs).
Nicolas Vergnet, Mayer Brown.
En abandonnant la subordination du correctif Quémener aux situations de double imposition effective, le Conseil d’État semble donc permettre une reprise de la pratique consistant à ne pas appliquer de décote pour fiscalité latente lors des cessions de parts de sociétés translucides. On observera toutefois que ce retour à une solution plus empreinte de sécurité juridique s’inscrit non seulement dans une série de revirements jurisprudentiels récurrents qui ne rassureront pas les investisseurs, mais également dans un contexte de durcissement des règles permettant à l’Administration de réprimer désormais des opérations inspirées par des motifs principalement (et non plus exclusivement) fiscaux.