Faire le bilan des opérations corporate dans le real estate en 2021, c’est retenir deux tendances majeures : l’appétit pour l’acquisition de gestionnaires d’actifs, dans un objectif de taille et de diversification de la gamme, et l’intérêt sans cesse renouvelé pour les groupes de promotion immobilière. LA grande opération M&A de l’année, qui a marqué les esprits autant qu’elle les a surpris, s’est signée dans l’asset management, avec l’acquisition par Altarea de Primonial. Du côté des opérations boursières, 2021 n’aura pas remis l’immobilier coté dans la lumière, d’autant que l’IPO la plus attendue de l’année, celle d’Icade Santé, a durement achoppé. Pour autant, il y a quand même eu du mouvement du côté de l'immobilier boursier. Cette année encore, CFNEWS IMMO vous propose ainsi son Top 5 des plus grandes opérations de M&A, de LBO, d'OPA, d'IPO ou de financements, signées par des investisseurs français ou ciblant des sociétés hexagonales. À l'occasion de cette rétro, la rédaction fait aussi un focus sur les M&A dans l'hôtellerie, dans un contexte qui aurait pourtant pu être très défavorable. Et pour ceux intéressés par les murs, retrouvez notre rétro 2021 des plus grandes transactions immobilières de l'année, toutes classes d'actifs confondues (ci-dessous).
Les opérations corporate de l'année
C'est donc le deal M&A de l'année dans le real estate : Altarea acquiert Primonial (30 Md€ gérés) auprès de Bridgepoint, Latour Capital, Crédit Mutuel Arkéa, et des managers, pour une valeur d’entreprise d’1,9 Md€ et un multiple de l’ordre de 12 à 13x l’Ebitda (moyenne des années 2022/2023). La foncière cotée d’Alain Taravella détient d’ores et déjà une première tranche de 60 % du capital, tandis que les 40 % restants vont être acquis au premier trimestre 2024 par une filiale d’Altareit (détenue à 99,85% par Altarea).
En deuxième place de notre Top 5 des M&A 2021 figure l’active stratégie de croissance externe que mène le belge Sienna Investment Managers. En août, le gérant d’actifs alternatifs du Groupe Bruxelles Lambert (GBL, holding cotée des familles Frère et Desmarais, dirigée par Ian Gallienne) a pris le contrôle de L’Étoile Properties (7 Md€ gérés en immobilier), faisant ressortir selon nos sources, un multiple de 11 à 12x l'Ebitda. Quelques semaines après, il a pris le contrôle d’Acofi Gestion (2,4 Md€ gérés), le spécialiste des actifs réels et des prêts directs à l’économie jusqu’alors affilié au groupe La Française. Objectif : offrir de nouveaux produits de placements dans les actifs réels et se doter de nouveaux services.
Parmi les opérations corporate de l’année figurent toujours les M&A ciblant des promoteurs. Exemple en 2021 : la prise de participation majoritaire de Crédit Agricole Immobilier dans le lyonnais Neoxia Participations ou celle d’Uniti dans le montpelliérain Première Pierre. Selon qu’il est très convoité ou non, un promoteur immobilier fait actuellement ressortir un multiple compris entre 8 et 10x l’Ebitda selon nos sources, si ce n’est plus.
En quatrième place, les opérations corporate illustrant l’engouement pour les réseaux d’agences immobilières digitales. Deux transactions ont marqué l’année : la levée record d’iad, dont le VC américain Insight Partners est entré en minoritaire pour 300 M€, faisant ressortir une valeur d’entreprise d’1,2 Md€ et un multiple autour de 24x l’Ebitda. Et celle de New Immo Group, holding coiffant les marques Safti et megAgence, qui a accueilli en minoritaire le fonds Permira pour un montant de 200 M€ et faisant là aussi ressortir un multiple de 24x l’Ebitda.
Pour boucler ce Top 5, retenons la prise de contrôle du groupe Ægide-Domitys par AG2R La Mondiale. Nexity est désormais actionnaire minoritaire du spécialiste des résidences services seniors, aux 400,8 M€ de chiffre d'affaires, qui est passé sous le contrôle de l'assureur pour une valeur d'entreprise de 375 M€, représentant un multiple de 4,1x l’Ebitda.
Du côté des LBO
Dans la liste des LBO de l'année figure la prise de participation majoritaire de Lone Star au capital du promoteur toulousain GreenCity Immobilier, aux côtés des principaux managers du promoteur. Le fonds de private equity, qui investit via une société affiliée à Lone Star Real Estate Fund VI, a repris la participation de la foncière familiale Caso Patrimoine et a fait appel à Cheyne Capital pour financer son acquisition, avec un financement d'un montant de 81,5 M€, affichant une maturité de cinq ans. Adossé à ce nouvel actionnaire, déjà présent dans la promotion résidentielle en Europe, le groupe compte se hisser dans le top 10 des promoteurs français, avec un objectif à moyen terme de 2 500 à 3 000 logements par an, soit environ plus de 500 M€ de volume d'affaires.
Autre promoteur toulousain a avoir finalisé un LBO en 2021 : LP Promotion, signant la sortie d'Abénex et l'entrée d'un nouveau fonds de private equity : Aermont Capital à hauteur de 85 % pour un montant non dévoilé. L'acquisition, réalisée via Aermont Capital Real Estate Fund IV (un fonds doté de 2 Md€ de capacité d'investissement), s'est faite aux côtés des dirigeants - Laurent Ponsot, fils du fondateur et P-dg, ainsi que Pierre Aoun, directeur général.
En troisième place, le premier LBO du courtier Cafpi : les deux co-fondateurs, Elie et Maurice Assouline, à la tête d'un réseau de 240 agences rapportant près de 150 M€ de revenus, ont cédé la majorité des titres à Blackfin Capital Partners pour une valorisation comprise entre 230 M€ et 240 M€, soit un multiple d'Ebitda supérieur à 15.
Ce n'est pas un premier mais un quatrième LBO qu'a réalisé Foncia (rebaptisé Emeria en ce début d'année) : le groupe de services immobiliers présidé par Philippe Salle, a regroupé l’ensemble de ses investisseurs historiques au côté d’un nouveau financier. Partners Group, qui était en lead depuis 2016, a cédé 25 % de Foncia à TA Associate, qui fait ainsi son entrée au capital. Le groupe suisse coté garde la majorité des actions, aux côtés des deux autres minoritaires, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) et le chinois CIC. Les données financières de l’opération n'ont pas été dévoilées, mais Foncia se valorisait 1,8 Md€ en 2016, soit 16 à 17 fois l’EBE.
Le dernier LBO retenu est celui finalisé par Arkéa Investment Services, avec l’acquisition d’une participation majoritaire au sein de Catella Asset Management, l’investisseur et asset manager pour compte de tiers, jusqu’alors filiale française du groupe suédois Catella. Arkéa IS s’est offert 75 % de Catella AM contre un montant de 23 M€ environ, une participation cédée par le groupe Catella à hauteur de 50,1 % – soit environ 15,3 M€ –, le solde de 25 % étant vendu par des actionnaires physiques minoritaires. Enfin, les 25 % restants sont conservés par les dirigeants, François Brisset (fondateur), Alexa Sempiana, et Olivier Hajjar. La valorisation de la structure ressort donc à environ 30 M€ suite à cette opération.
À la Bourse
Dans le real estate coté, la seule opération à retenir de l’année est la montée au capital de Colonial sur SFL. À l'issue de son offre publique mixte simplifiée sur les titres non encore détenus de la foncière cotée aux 7,3 Md€ de patrimoine parisien, l'actionnaire espagnol détient 98,33 % du capital et des droits de vote. Predica, autre actionnaire de poids de SFL avec 13 % du capital avant cette opération, a signé sa sortie.
Autre montée en capital discrète, mais notable : celle de Xavier Niel au capital d’Unibail-Rodamco-Westfield (URW). En octobre dernier, le fondateur d’Iliad a franchi en hausse les seuils de 20 % du capital et des droits de vote de la seule foncière cotée au CAC 40, et détient ainsi 23,34 %, soit 32 206 982 actions. Cette acquisition de titres est principalement portée par Rock Investment, l’un des deux véhicules actionnaires d’URW – avec NJJ Market – contrôlés par Xavier Niel, via NJJ Holding.
Du côté des IPO, les opérations les plus marquantes de l'année ont été réalisées dans la proptech. Les Agences de Papa, néo-agence proposant une commission fixe de 2000 € pour chaque transaction, a enchaîné en 2021, une série B de 2,5 M€ et une entrée en bourse, qui la valorise près de 23 M€, contre 7 M€ un an plus tôt. La start-up niçoise réalisait un chiffre d'affaires de 1,028 M€ à fin 2020.
Seulement quatre ans après sa création, NamR est aussi entré en Bourse cette année. La plateforme de collecte et de valorisation de données dans l’immobilier, qui entend faciliter la transformation du patrimoine des acteurs publics et privés, a bouclé son IPO sur Euronext Growth Paris, avec un montant levé de 8 M€. Cette enveloppe a été sursouscrite 2,4 fois, avec une demande totale de 19,5 M€. Dans le détail, 784 313 actions ont été émises, soit 20,9 % du capital de NamR post-opération, à un prix de 10,20 € par action.
Cette année, WeWork a aussi enfin passé les portes de Wall Street. Deux ans après l’échec de son IPO, le spécialiste américain des bureaux partagés est entré en bourse le 21 octobre dernier, en fusionnant avec la SPAC BowX, une coquille vide déjà cotée. La valorisation retenue est de 9 Md$, bien loin des 47 Md$ affichés en 2019. C’est notamment que le périmètre de WeWork a été revu à la baisse entre temps – près de 70 centres fermés –, que plusieurs activités qui n’étaient pas cœur de métier ont été arbitrées, et que la masse salariale a été réduite.
Les grands financements/refinancements
Le financement le plus marquant de l'année est sans surprise lié au deal M&A de l'année. Pour acquérir Primonial, Altarea a fait le choix de sécuriser en avance le financement de cette opération, non pas avec ses liquidités, mais en la finançant intégralement. Ce, à travers la levée de fonds propres à hauteur d’1,2 Md€, et la mise en place d’un crédit syndiqué pour 800 M€. Une première enveloppe d'equity de 485 M€ est trouvée, issue de la vente à Crédit Agricole Assurances (2e actionnaire d’Altarea) de 49 % d’un portefeuille de retail parks et de commerces de gare. La foncière cotée a aussi finalisé cette année une augmentation de capital, avec l’émission de nouvelles actions à hauteur 350 M€. Altarea prévoit aussi de récupérer 350 M€ supplémentaires grâce au paiement du dividende en titres. Enfin, le quatrième axe de financement en equity fera appel aux managers de Primonial.
Côté gestion du passif, Gecina a aussi marqué l'année chez les foncières cotées. Sous la direction de Méka Brunel, elle a obtenu le vote de ses porteurs d'obligations pour transformer 100 % de son encours obligataire en encours vert, soit 5,6 Md€ de green bonds. Les crédits bancaires responsables représentaient ainsi, en mai dernier, 60 % de l’encours bancaire de Gecina.
Pour son premier financement, Cronos ne pouvait que viser grand et fort dans son ambition. La foncière constituée par in'li pour développer plus de 25 000 logements intermédiaires en Île-de-France et dont Axa IM Alts a pris le contrôle à hauteur de 75 %, a ainsi sécurisé une dette hypothécaire "100 % responsable" de 800 M€. Un crédit arrangé par un pool de douze banques françaises : la Caisse d’Épargne Ile-de-France, HSBC, Société Générale CIB, la Banque Postale, BRED Banque Populaire, Arkéa Banque Entreprises et Institutionnels, BECM, CIC, Crédit Agricole CIB, LCL, Crédit Agricole d’Ile-de-France et Caisse Fédérale de Crédit Mutuel.
Deux ans après avoir réalisé son premier investissement dans le 18e arrondissement de Paris, Icawood trouve son prêteur. Le fonds spécialisé dans les bureaux bas carbone, créé en 2019 par Icamap et Ivanhoé Cambridge, se voit accorder un financement vert par Allianz Real Estate, pour son projet Marcadet, portant sur la restructuration d'un ensemble immobilier de 31 500 mètres carrés. Mêlant des bureaux et des commerces à une résidence étudiante de 78 chambres, l'actif green a séduit le fonds de dette d'Allianz Real Estate, qui décide de lui apporter 78 % d'un prêt de 185 M€.
Après avoir été soutenus au fil des années par plusieurs partenaires financiers (Zencap, Bpifrance ou encore Bank of China), Céline et Jean-Bernard Falco, fondateurs de la société Paris Inn Group, poursuivent le développement de leur groupe avec le soutien financier d'Oaktree Capital. Il se concrétise par le refinancement de leur nouvelle structure d’investissement hôtelier : Centaurus. Oaktree décide ainsi de souscrire à une émission obligataire de 115,2 M€, dont les obligations sont, sous certaines conditions, convertibles en actions de préférence à émettre par Centaurus.
Les opérations corporate dans l'hôtellerie
La principale opération corporate hôtelière de l’année se cache sous les traits d’un LBO ter. Infravia s’est en effet emparé des 55 % détenus depuis 2016 par Apax Partners au sein de Sandaya. Le spécialiste de l’hôtellerie de plein air s'est, pour l’occasion, valorisé moins de 450 M€ selon nos sources. Amundi Private Equity Funds et Idia Capital Investissement comptent également parmi les nouveaux actionnaires, à hauteur de moins de 15 %.
En deuxième position se trouve l’acquisition de la branche française de JJW Hotels & Resorts. Le Groupe Bertrand, accompagné par Lavorel et Sofibra, a remporté le process de reprise à la barre pour un montant de 175,5 M€, full equity. Cette opération concerne neuf hôtels classés 3*, 4* et 5*, soit 257 chambres, à Paris et en région. Le Groupe Bertrand détient six établissements sur les neuf de ce portefeuille value-add, parmi lesquels le pôle luxe, dont fait partie le Balzac ou encore le Vigny, tandis que ses associés reprennent les trois restants.
Une levée de fonds se classe en troisième position. Edgar Suites loge un premier investisseur financier avec BC Partners Real Estate. Le spécialiste des résidences hôtelières a structuré une augmentation de capital de 104 M€, qui lui permet toutefois de conserver la majorité des titres à l’issue de l’opération.
Le portefeuille hôtelier de la SCSP, holding de la famille Pochettino, se hisse à la 4e position de ce top. Extendam, Bpifrance, à travers son fonds France Investissement Tourisme 2, et Solanet Gestion Hôtelière ont mis la main sur les treize hôtels que rassemble la structure, soit près de 1 300 chambres. L’opération, valorisée environ 100 M€ selon nos sources, porte sur des établissements situés notamment dans la métropole lyonnaise, à Genève et à Chalon-sur-Saône. Extendam devient l’actionnaire principal, suivi par Solanet, qui gère le portefeuille.
Last but not least, Covivio Hotels, filiale de Covivio dédiée à l’investissement hôtelier, a bouclé une augmentation de capital cette année, en mettant sur le marché plus de 15 millions d’actions nouvelles, à un prix de souscription unitaire de 16 €. Elle lève ainsi 250 M€ pour rembourser des dettes corporate, tout en restant à l’affût des opportunités d’investissement.