Rares sont ceux qui savent que, depuis 2019, le pilier Nord de l’emblématique Grande Arche de La Défense fait l’objet d’une opération de reconstitution de la pleine propriété des quelque 48 000 mètres carrés de surface utile, dont 45 000 mètres carrés de bureaux, que développe cette arête de l’iconique monument du premier quartier d’affaires d’Europe. Le pilier Sud et le toit sont toujours la propriété de l’État. Peu nombreux sont aussi ceux qui ont en tête que ce pilier Nord compte non seulement des bureaux restructurés, mais aussi désormais plus de 3 000 mètres carrés de services, parmi lesquels un business center, un auditorium modulable, un espace de réparation de vélos ou encore un service de click & collect... À l'origine de ce nouveau positionnement, dont les codes s'inspirent de l'hôtellerie tout en préservant la minéralité et la construction brutaliste du lieu, un duo de co-investisseurs.
Moins de 10 000 €/m2
Ceux qui savent sont ceux ayant travaillé autour du vaste projet de remembrement et d’asset management réalisé depuis trois ans par Henderson Park (13 Md$ investis sur l'immobilier européen depuis 2016) et Weinberg Capital Partners (1,1 Md€ gérés). Connus pour leur savoir-faire value-add, ces deux fonds ont patiemment reconstitué la pleine propriété de cette arête à travers un véhicule commun au montage tenu secret, via trois asset deals et un share deal. Un projet pour lequel il sont soutenus, depuis 2019, par Crédit Agricole CIB. À l’époque, ils obtiennent un niveau classique de LTV pour ce type de restructuration, dans lequel ils engagent 30 M€ de capex. Le ratio de dette, tout comme la valorisation de ce pilier Nord, sont tenus confidentiels. Mais selon nos informations, le prix de l'arête ressort à moins de 10 000 €/m2, soit un volume global inférieur à 450 M€. Un montant qui aurait classé ce deal directement à la quatrième position des plus grandes opérations de 2022 sur le marché du bureau hexagonal, s’il n'était pas comptabilisé dans les volumes investis depuis 2019. Quant au rendement, il est supérieur à 4 % d'après nos informations.
Un taux d'occupation de 60 % en 2019
Pour comprendre le pur travail d’asset management mené en toute discrétion par Henderson Park et Weinberg Capital Partners depuis 2019, il faut remonter le fil de ces trois dernières années. Ce remembrement est la toute première opération commune entre les deux partenaires, qui commencent à reconstituer la pleine propriété du pilier Nord avec la cession des parts de la CDC, dans le cadre d’un appel d’offres mené en 2019 par Cushman & Wakefield. Cette arête de la Grande Arche, haute de 36 étages et obsolète, est alors occupée à 60 % à un niveau locatif de 400 €/m2/an, sans proposer de services à clé. En pleine pandémie, Jean-Philippe Olgiati, associé de WCP, et Nick Weber, fondateur et CEO d'Henderson Park, continuent à acquérir des lots auprès des divers copropriétaires : BlackRock, le second institutionnel à détenir des parts, le solde étant entre les mains de privés. La cession du dernier lot s'est finalisée pas plus tard que la semaine dernière, faisant d’Henderson Park et de Weinberg CP les uniques propriétaires de ce bien.
Upside sur les loyers
Au long de ces trois dernières années de négociation, et au fur et à mesure que la majorité de l’actif leur était acquise, ils lancent ce travail de gestion d’actifs, auquel ils associent de grands noms de l’architecture française (Franklin Azzi), du graphisme (l’agence Yorgo&Co) et de la signalétique (Yorgo Tsouplas). « Nous avons toujours cru à la notoriété du produit même si le taux de vacance était de 14 % à La Défense lorsqu'on l'a recommercialisé, en pleine période de lock-down. Mais c’est un pari gagné », affirme Jean-Philippe Olgiati. Weinberg CP et Henderson Park repensent les bureaux, les parties communes, l'entrée, remplacent tous les équipements techniques générant une baisse des charges de l’ordre de 30 %. Ils redessinent jusqu'à la police de la signalétique, aux angles aussi carrés que le célèbre Cube. Ils ajoutent aussi ce qui manque à cet ensemble pour activer un levier de création de valeur : des services, indispensables pour attirer les utilisateurs et envisager un upside sur les loyers. Les 48 000 mètres carrés de surface utile, intégrant désormais un pôle serviciel de plus de 3 000 mètres carrés, ainsi que 2 000 mètres carrés d'infrastructures, séduisent les entreprises. Le taux d'occupation grimpe à 95 %, à un niveau de loyer plus en ligne avec la moyenne actuelle du prime à La Défense. Cette dernière tourne actuellement autour de 550€/m2/an, avec des mesures d’accompagnement variables selon les biens (pouvant aller au-delà de 35 %).
Une œuvre d'art, troisième de la voie triomphale
Au cours des dix-huit derniers mois, les nouveaux propriétaires de l'arête Nord signent 28 000 mètres carrés de baux, avec une walb moyenne oscillant entre 6 et 9 ans fermes. Orsys (12 500 m2), l'incubateur Paris&Co (5 500 m2), Petites Affiches (4 000 m2), Freelance.com (3 000 m2), la Banque publique d’investissement, l’Iéseg School of Management ou encore le Collège de Paris comptent parmi les occupants. Deskeo est lui en charge des nouveaux services. Reste 5 % à louer, pour lesquels les deux propriétaires sont actuellement en négociation. Quant au property management, il est assuré par l'entité dédiée de Constructa. « La création de valeur est faite » sur ce pilier du Cube monumental d'environ 300 000 tonnes, dessiné par Johan Otto von Spreckelsen et inauguré en 1989, dont chacune des arêtes s’élève à 110 mètres de hauteur. Symbole de La Défense, il est le troisième monument de la voie triomphale, après l’Arc du Carrousel et l’Arc de Triomphe. « C'est une œuvre d'art et l'architecte l'a bien compris », résume Jean-Philippe Olgiati, par ailleurs ancien de BlackRock, dont il a dirigé la filiale immobilière pendant plusieurs années. Il connaît à ce titre bien La Défense pour y avoir acquis, en 2016, la tour Europe. « La vision portée par les associés pour L’Arche de La Défense consistait à transformer cet actif iconique en un lieu moderne qui répondait aux attentes des utilisateurs, explique-t-il. Cet immeuble historique est désormais en mesure d’accueillir une nouvelle génération de locataires dans une ère post-Covid où centralité, services et efficiences des espaces de bureaux sont au coeur des préoccupations. Évoluer dans L’Arche, c’est bénéficier d’un prestige et d’une image internationale qu’aucun autre immeuble de La Défense ne peut offrir. Tout en restant à un niveau de loyer extrêmement compétitif. »