Vous avez dit mezzanine?
Le 4 décembre dernier, CF NEWS IMMO indiquait que « Paris Inn diversifie ses sources de financements pour accompagner sa croissance, en recevant pour la première fois le soutien de Zencap AM, qui apporte une dette mezzanine de 24,6 M€ ». Dette mezzanine ?
Tout d’abord
Lorsque la hauteur sous plafond le permet, il est possible de gagner de la surface en créant un plancher intermédiaire, une forme d’entresol, situé entre le plancher existant et le plafond, en général "au milieu", mezzano en italien. Dès le XVIe siècle, pour mieux nommer cette création architecturale, le diminutif "mezzanino" a été retenu, donnant mezzanine en français. Assez logiquement, lorsqu’elle devient un terme financier, la mezzanine se situe également dans une forme d’entre-deux.
La mezzanine est un type d’investissement hybride situé entre la dette principale et les capitaux propres : l’equity, et qui peut ainsi cumuler certaines de leurs caractéristiques respectives. Sa vertu principale est d’être une source complémentaire de financement de projet, permettant d’apporter les sommes manquantes lorsque les investisseurs en fonds propres et les prêteurs limitent leur contribution en deçà des besoins. Sur un investissement de 100 M€, la dette senior peut s’arrêter à 60 M€, car contrainte par un ratio prudentiel qui empêche de prêter plus que 60 % de la valeur (ratio Loan To Value ou LTV). Si, pour des raisons de disponibilité ou d’attente de rendement, les sponsors du projet ne souhaitent pas investir plus que 20 M€, le financement n’est pas bouclé et l’opération non financée avorte. Parfois les prêteurs seniors acceptent de prêter plus, en mettant en place une seconde tranche de dette, dite "junior" car intervenant après la senior, disons pour un montant de 10 M€, poussant le ratio d’endettement total à 70 % (60+10)/100. Mais la dette junior est coûteuse et parfois insuffisante pour combler le fossé, d’où l’attrait de la mezzanine qui joint les deux bouts.
Un peu d’histoire
L’usage du terme en finance date de la fin du siècle dernier. Le site internet Get Mezzanine Financing retrace ses origines. Tout d’abord la métaphore architecturale, avec en 1984, l’article d’Allan Sloan dans la revue Forbes titré "Luring banks overboard", que l’on pourrait traduire par "Berner les banques de façon excessive". Le journaliste décrit la frénésie des opérations de rachat d’entreprises par endettement "Leveraged Buy-out", LBO, où le recours massif à la dette permet de maximiser le retour sur les fonds investis. Il décrit la "mezzanine money", qu’aurait introduite GE Credit, à la fin des années 70, comme des fonds au-dessus du plancher (floor) des fonds propres des investisseurs et au-dessous du toit (roof) de la dette senior. Puis vient la métaphore temporelle, avec un article de 1987 de William Torpey et Jerry Viscione dans la célèbre Harvard Business Revue. Ils font référence à un moment intermédiaire dans le cycle de vie d’un investissement, considérant que si désormais le terme mezzanine fait référence à un investissement en capital présentant un niveau de risque intermédiaire (medium-risk capital), à l’origine les financements mezzanine intervenaient entre la levée de fonds initiale d’une entreprise naissante (seed money) et la levée de fonds ultime au moment de son introduction en bourse (IPO).
Aujourd’hui, de nombreuses structures sont spécialisées dans ce type de financement. Ces "mezzaneurs" prennent plus de risque que les prêteurs, mais moins que l’investisseur en fonds propres. Outre la perception d’intérêts fixes, plus onéreux, mais comparables à ceux d’une dette senior, la rémunération du risque peut être améliorée par une forme d’intéressement au résultat qui rapproche le mezzaneur de l’investisseur en fonds propres. Les formes de rémunération définissent les types de mezzanines. Certaines, principalement axées sur un taux élevé, se rapprochent plus d’instruments de dette, et sont en compétition avec les dettes junior. D’autres, plus orientées vers un partage de la marge, se rapprochent plus de quasi fonds propres. Une mezzanine n’étant pas, stricto sensu, des fonds propres, le mezzaneur ne dilue pas les investisseurs d’origine qui conservent le même poids dans leur projet. Si sa forme est adaptée, les prêteurs, jaugeant leur risque, peuvent considérer la mezzanine comme des quasi fonds propres, ce qui les rassurent. La mezzanine dispose de garanties de second rang, après la dette senior. Si l’actif doit être vendu pour rembourser les financements mis en place, ce sont les prêteurs seniors qui sont remboursés en premier, puis les mezzaneurs, et enfin les emprunteurs qui, selon ce qui reste, récupèrent tout ou partie de leurs fonds propres.
Comme le poisson rémora qui vit en synergie avec le requin qui le porte, la mezzanine est dépendante de la dette. Au lendemain de la crise financière, lorsque les prêteurs seniors étaient leur environnement a évolué. Les pourvoyeurs de fonds ont compris qu’il était possible de grouper dette senior et dette junior en une tranche unique plus attractive (unitranche), rendant le prêteur autosuffisant et l’investisseur moins dépendant des mezzaneurs. En réaction, les mezzaneurs migrent vers plus de risque et potentiellement plus de profit.