Le Passage Edouard VII à Paris. © Maoli.fr
Le conflit entre le droit du propriétaire, qui souhaite rénover ou détruire une partie d'un édifice ou une œuvre picturale ou sculpturale, et celui de l’architecte ou du sculpteur est entré dans une nouvelle ère : malgré les principes clairs et concordants énoncés par les tribunaux, les revendications des ayants-droits ont considérablement augmenté.
La propriété étant un droit absolu, le propriétaire peut accomplir tous les actes qui ne lui sont pas interdits par la loi. Ses prérogatives sont toutefois limitées par son obligation de respecter l'œuvre et la possibilité pour l’auteur d'en interdire toute altération, en application du droit moral imprescriptible et transmissible selon les formes requises en matière testamentaire. Il est possible de léguer la gestion temporaire du droit moral à des exécuteurs testamentaires (personne physique ou morale) : le droit moral retourne aux héritiers à leur mort ou leur dissolution.
Des quatre attributs du droit moral, le droit à la paternité et le droit au respect de l’œuvre trouvent une résonance particulière en matière immobilière. Le respect du droit moral met à la charge du propriétaire d’un immeuble une obligation de demander l’autorisation préalable de l’architecte avant toute modification ou destruction. Le droit moral étant perpétuel, il est légitime de permettre au propriétaire d'un bâtiment utilitaire, d'une œuvre sculpturale érodée par le temps ou d'une peinture située à un endroit gênant d'un édifice, de réaliser les modifications qui s'imposent pour la conserver ou l'adapter aux besoins nouveaux, notamment afin d'augmenter son attractivité et sa valeur.
Face à une mise en demeure de l'auteur ou de ses héritiers, il faut se rappeler que le droit au respect de l'intégrité de l'œuvre n'est pas absolu. Les tribunaux recherchent un équilibre entre le droit de l'architecte à la protection de sa création et la nécessité d'évolution de l'édifice. Ils estiment licites les modifications apportées par le propriétaire lorsqu'elles sont justifiées par des motifs légitimes et n'excèdent pas ce qui est strictement nécessaire à l'adaptation à des besoins nouveaux, dont la réalité doit être démontrée.
L'extension d'une construction reprenant les couleurs originelles, conservant l'harmonie et ne modifiant pas l'œuvre de manière disproportionnée est considérée licite par les tribunaux. En revanche, sont considérées comme illicites les modifications qui ne sont pas justifiées par des motifs légitimes ou des besoins nouveaux comme par exemple, la destruction d'une mosaïque dans le cadre de la rénovation totale d'un hôtel, dès lors qu'elle n'est pas nécessaire pour procéder à des mises aux normes techniques.
De même, les tribunaux rappellent l'importance pour les modifications d'être proportionnées au but poursuivi, ainsi, le réaménagement du Jardin des Serres d'Auteuil (démolition des serres, modification des jardins, construction d'un court de tennis), qui modifie substantiellement l'harmonie générale, n'est pas légitime.
Enfin, l’aménagement du droit moral pourrait être envisagé dans le contrat sous la forme d'une clause prévoyant la modification de l’œuvre en cas de raisons légitimes et proportionnées après information et consentement de l’auteur, indiquant les types de modifications reconnues légitimes et proportionnées.