Le 231 boulevard Saint-Germain va être profondément repensé par le fonds qatari Constellation.
Il s’agissait d’une cession attendue depuis plusieurs années, retardée par la Mairie de Paris et finalement bouclée cette année. L’État vient de vendre la partie Est de l’Îlot Saint-Germain, l’historique siège de l’institution militaire française avant son déménagement au sein de l’Hexagone Balard en 2015, soit six hôtels particuliers ou bâtiments qui longent la rue de l’Université et le boulevard Saint-Germain, au cœur du 7e arrondissement de Paris. Selon nos informations, le processus d’appel d’offres, qui a vu une vingtaine de candidats s'affronter, a été remporté par le fonds Constellation Hotels, une entité de Qatar Holding, une société elle-même détenue par le fonds d’investissement souverain de l’émirat, Qatar Investment Authority (QIA). Alors que tous les autres bidders défendaient une thèse d'investissement axée sur le bureau, Constellation a fait la différence en proposant un projet hôtelier. La transaction, d’un montant supérieur à 300 M€ selon nos sources, renforce l’emprise du petit état moyen-oriental sur les immeubles d’exception en France : pour mémoire, Constellation détient déjà l’InterContinental, l’Hôtel du Louvre et le Concorde Lafayette à Paris, le Martinez de Cannes et le Palais de la Méditerranée à Nice, successivement acquis au cours de la décennie pour plus de 700 M€ au total.
« Un bien d’exception » qui abritera un hôtel de luxe
Construite au cours du XIXe siècle après les travaux d’urbanisation d’Haussmann, la partie Est de l’Îlot Saint-Germain développe une surface plancher totale de près de 28 000 mètres carrés selon l’État, dont 8 500 mètres carrés en infrastructure, dans l'un des arrondissements les plus chers de la capitale. Ce « bien d’exception », pour reprendre les mots de la Direction régionale des finances publiques, est situé entre l’Assemblée Nationale, le musée d’Orsay et Les Invalides, un emplacement privilégié qui a su séduire Constellation. Le fonds prévoit donc d’importants travaux de restructuration afin de transformer l’ensemble en un hôtel de luxe, tout en jonglant avec les intérieurs monumentaux et les façades décorées, ou encore la célèbre tour de l’horloge, qui surplombe le croisement Saint-Germain/Solférino. Si le fonds qatari suit la même stratégie qu’en 2013, il confiera la gestion de son futur établissement au groupe américain Hyatt Hotels Corporation, comme il l’a fait avec le reste de son patrimoine hôtelier français cité précédemment.
Le casse-tête d’un partage en trois
Lors du déménagement dans l’Hexagone Balard, le ministère des Armées devait uniquement conserver l’hôtel de Brienne, « compte tenu de sa valeur historique », estimait alors un rapport de l’Assemblée Nationale (AN), ainsi que pour les réceptions officielles. Finalement, la ministre des Armées et son cabinet maintiennent leurs bureaux dans cet hôtel particulier, ainsi que dans le bâtiment de la Lionne et l’hôtel de Bourbon Busset, soit tout le lot Ouest (tracé rouge ci-contre) de l’Îlot Saint-Germain. Le bâtiment des Jardins, qui coupe l’Îlot Saint-Germain en deux du Nord au Sud, reste également dans le giron de l’État pour des questions de sécurité rapporte l’AN, puisqu’il offre, en effet, une vue plongeante sur l’ensemble Brienne et ses pelouses. L’an passé, le lot central (tracé vert) a été cédé, à la demande de la Mairie, à la Régie Immobilière de la Ville de Paris pour sa transformation en logements sociaux. L’acte de vente a été signé contre 29 M€ pour plusieurs bâtiments valorisés plus de 80 M€, une importante décote rendue possible par la loi dite Duflot, lorsqu'une municipalité souhaite se positionner sur une vente de l’État. Désormais, c’est donc le lot Est (tracé bleu) qui quitte le portefeuille public pour rejoindre le fonds souverain QIA, et l’Îlot Saint-Germain peut désormais écrire une nouvelle page de sa riche histoire, entre ministères, logements sociaux et hôtel de luxe.