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Dans l'oeil du cyclone, l'hôtellerie prépare l'accalmie

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Aujourd'hui, les spécialistes immobiliers s'accordent à dire qu'avec le commerce, l'hospitality est l'un des secteurs les plus touchés par la crise liée au Covid-19. Avec des taux d'occupation et des RevPar en chute, les hôteliers retiennent leur souffle tout en se préparant déjà à l'après-crise, convaincus de la résilience de leur marché.

| 1783 mots

Les hôteliers attendent de pouvoir accueillir à nouveau leur clientèle. 

Une information CFNEWS IMMO

Les premiers chiffres sont déjà là : une baisse moyenne de 35,7 % du RevPar hôtelier dans le pays en mars 2020 par rapport au début de l'année, selon les dernières données de BNP Paribas Real Estate, qui évoque un « contexte de crise sans précédent ». Pour sa part, le Groupement National des Chaînes Hôtelières recense plus de 18 000 hôtels fermés, soit plus de la moitié de ses enseignes. « Aujourd'hui 90 % de nos hôtels sont en sommeil, sauf dans certaines grandes villes, où la clientèle est suffisamment importante pour absorber les charges fixes et maintenir une offre sur les marchés. Nous avons notamment un hôtel ouvert à Nice, un à Lyon et un à Paris. Ces hôtels serviront de point d’appui pour la remise en route complète de nos exploitations le temps venu », explique pour sa part Antoine de Bouchony, président de Honotel. Des propos qui résument la posture globalement adoptée par les acteurs hôteliers : une résignation face à la nécessité de fermer leurs établissements, tout en anticipant la reprise. « Tous les acteurs du marché hôtelier sont dans les starting-blocks, prêts à reprendre l'activité d'ici mai ou juin », résume Johanna Capoani, directeur adjoint gestion de portefeuilles Hôtellerie de Swiss Life Asset Managers France. Une fébrilité qui repose avant tout sur la conviction que oui, le marché finira par repartir.

Poursuivre grâce à la trésorerie

Antoine de Bouchony, Honotel

Antoine de Bouchony, Honotel

Aujourd'hui, le secteur doit assurer sa continuité, alors même que l'activité est extrêmement réduite. « Nous sommes dans une dynamique forte de préservation de notre trésorerie pendant les six prochains mois. Nous avons mis en place des plans au cas par cas avec nos prestataires pour limiter les dépenses sans les pénaliser. Par exemple, nous allons verser 50 % de ses fees à notre prestataires PMS », explique Antoine de Bouchony. Il ajoute que « le support des banquiers et des bailleurs a également été activé : personne n'a intérêt à ignorer le contexte économique actuel et les partenariats noués depuis 20 ans montrent toute leur densité. » Et, comme le rappelle Jean-Marc Palhon, président d'Extendam, « le secteur est bien presque entièrement à l'arrêt, mais il bénéficie de quelques amortisseurs, comme les aides de l'État en matière sociale. » Parmi celles-ci, les mesures de chômage partiel, ainsi que la suspension du paiement des échéances de prêts mise en place par la BPI. La banque publique propose également des prêts de trois à cinq ans, avec un différé de remboursement pouvant aller jusqu'à douze mois et garantira par ailleurs jusqu'à 90 % des prêts bancaires, contre 50 % en début mars, avant la pandémie.

Un marché sous le coup du wait & see

Beatrice Guedj - Swiss Life Asset Managers France

Beatrice Guedj - Swiss Life Asset Managers France

Emboîtant le pas des fermetures d'établissements, les transactions ont, elles aussi, marqué un arrêt. Pour Antoine de Bouchony, il est évident que « si nous avions dû envisager un processus de cession, nous l'aurions reporté au regard du contexte ». « D'ordinaire, Extendam mène entre 20 et 25 opérations par an, cette année nous escomptons plutôt en signer une quinzaine. Nous avions cinq opérations en cours au début de la pandémie, qui sont, de notre propre chef, aujourd'hui toutes décalées, voire abandonnées », ajoute pour sa part Jean-Marc Palhon. Une pause qui n'a rien d'étonnant pour Béatrice Guedj, directrice de la recherche et de l’innovation de Swiss Life Asset Managers France, selon laquelle « les crises passées nous ont appris qu'en ces périodes, les transactions sont gelées pour deux raisons : les investisseurs sont dans une démarche wait & see, voire sur un mode pause sur les transactions. D’autre part, les chocs sont parfois accompagnés d’une révision des conditions de financement » (lire ci-dessous notre article dédié aux ralentissements techniques auquel fait face le marché). Antoine de Bouchony nuance toutefois l'arrêt des signatures : « Je pense qu'il y aura bel et bien des transactions durant la crise, mais celles-ci porteront sur des hôtels ou des groupes hôteliers fragilisés, qui n'avaient pas nécessairement les partenaires en equity suffisants, et qui auront donc besoin d'aide. Pour le reste, il s'agira vraisemblablement d'opérations initiées très amont de la crise. »

Confiants dans la résilience

Johanna Capoani, Swiss Life Asset Managers France 

Johanna Capoani, Swiss Life Asset Managers France 

La crise est venue stopper nette la croissance du secteur, qui, pourtant, jusqu'à quelques semaines avant la crise, affichait des indicateurs au vert. « Même si les deux premiers mois de l’année ne sont pas les plus représentatifs, l’hôtellerie à fin février affichait des performances très prometteuses. Par exemple, et plus particulièrement sur le segment 3* et 4* de centre-ville, les hôtels que nous gérons ont connu des croissances de RevPAR allant de +10 % à +25 % par rapport à 2019 sur la période », souligne ainsi Johanna Capoani, de Swiss Life AM. Mais, malgré ce fort choc économique, la confiance dans la résilience de l'hospitality est de mise. « L'hôtellerie se porte très bien depuis des années, et n'a pas connu de difficultés avant la crise, malgré le mouvement des Gilets Jaunes ou encore la grève. Certaines entreprises seront sûrement dans une situation compliquée, mais s'il y a une reprise d'ici à trois mois, l'essentiel des entreprises ne seront pas menacées grâce à leur santé financière d'avant crise », souligne Jean-Marc Palhon. Ainsi, pour Antoine de Bouchony, tout prouve qu'une « reprise assez forte » est possible au terme de la crise. « Nous constatons d'ores et déjà un vrai rebond, initialement avec des réservations prises pour le mois de juin et depuis quelques jours plutôt sur septembre », souligne-t-il. L'embellie économique reviendra, beaucoup en sont persuadés. Mais quand ? Pour Johanna Capoani (Swiss Life AM), « l’hôtellerie n’en est pas à son premier choc et a toujours su se relever. Cependant, une fermeture des hôtels pendant plus de trois mois pourrait devenir compliquée pour le marché. » Une appréhension partagée par Jean-Marc Palhon : « S'il y a un effet de reprise d'ici juin, avec un retour à la normalité en septembre-octobre, l'industrie connaîtra une année blanche, mais ne sera pas menacée par la crise. Toutefois, si ce scénario ne prévaut pas, l'industrie sera véritablement touchée. La crise ne doit pas s'éterniser. » 

Un redémarrage plus lent pour les transactions

Jean-Marc Palhon, président d’Extendam

Jean-Marc Palhon, président d’Extendam

Une reprise espérée en juin en matière de chiffre d'affaires, mais qu'en est-il du marché transactionnel ? A priori, les signatures devraient reprendre plus timidement. « Si les transactions reprennent en septembre, les vendeurs devront assumer une perte sèche de cash pendant la crise, ce dont les audits d'acquisition tiennent compte avant la prise de possession effective des actifs. À l'exception de ceux qui auront véritablement besoin de se séparer de leurs actifs, ou des transactions nouées avant la pandémie, le marché des acquisitions ne devrait donc pas reprendre aussi rapidement dès la sortie de la crise. Il y aura une forme d'attentisme », résume Jean-Marc Palhon. Une position partagée par Johanna Capoani, selon laquelle « le secteur évitera sûrement de se précipiter sur les transactions dès la fin de la pandémie. Avant la crise, nous allions par exemple acquérir des hôtels. À la fin de celle-ci, nous allons attendre que les établissements aient ouvert leurs portes pendant deux à trois semaines avant de finaliser ces opérations. » En plus d'un attentisme prolongé, il est possible que le marché transactionnel hôtelier connaisse une véritable récession, avec des valorisations en chute libre. Mais cette crainte est désamorcée par Jean-Marc Palhon, selon lequel « suite à la crise, il y pourrait y avoir un effet d'accalmie au niveau des multiples des valeurs d'entreprise qui dépendront du niveau des RevPar en sortie de crise. Je ne m'attends pas à d'énormes chutes de prix toutefois, car peu de structures devraient s’effondrer. Celles qui disparaîtront étaient déjà en difficulté avant la crise. » Même constat pour Antoine de Bouchony : « La trésorerie détruite ou la perte d’opportunité pendant la crise se retrouvera dans la valorisation des titres sociaux. Pour autant, sur la durée d’un investissement, et si la crise dure six mois, l’impact sera circonscrit. » Par ailleurs, pour Béatrice Guedj, « suite à cette crise d’un genre nouveau, la prime de risque devrait hausser, via les composantes de volatilité et d’illiquidité. »

Gérer l'après-crise

L'hôtel Comète à Paris, repris par les groupes Extendam et Elegancia.

L'hôtel Comète à Paris, repris par les groupes Extendam et Elegancia.

Même quand la crise est véritablement installée, le redémarrage ne devrait pas être égal dans tous les secteurs de l'hôtellerie. « La reprise sera différente pour l'hôtellerie d'affaires, notamment économique et milieu de gamme, qui accueille à 80 % une clientèle domestique de commerciaux dont l'activité requiert de se déplacer, et les hôtels touristiques ou haut de gamme dont la clientèle est internationale. Les clients étrangers attendront en effet que la situation soit véritablement stabilisée avant de revenir », estime ainsi Jean-Marc Palhon. De son côté, Béatrice Guedj affirme que « l’hôtellerie de loisir est dépendante de la croissance du revenu des ménages : en cas d’érosion de ce dernier, comme le montre les crises passées, la durée de séjour est écourtée et les nuitées sont moins internationales, le séjour est plus domestique. » Une situation qui pourrait avantager selon elle l'hôtellerie de plein air. Au-delà des déséquilibres attendus entre les offres hôtelières à la sortie de la crise, pour Béatrice Guedj, « Le scénario qui se dessine pour l'hôtellerie, pas uniquement en France, est probablement similaire à celui l'économie de manière plus générale : si l’ensemble des acteurs (gouvernements, Banque Centrale….) mettent en place des mécanismes pour une reprise « en V », la forme de la reprise est conditionnée à une crise de la gestion sanitaire dans le monde. Le risque est celui d’une rechute, non envisagé à ce stade. C’est la raison pour laquelle nous préférons privilégier un scénario en U, modérément optimiste. » En effet, « le vrai risque de la pandémie, pour les économistes, est que la crise sanitaire engendre une déglobalisation au niveau mondial, mais nous ne sommes pas dans ce scénario. Une sortie de crise sanitaire collectivement bien gérée est synonyme d’un retour de confiance, favorable au secteur hôtelier », conclut-elle.

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