Parmi les innombrables toits enneigés de Courchevel 1850 prisés par les milliardaires, deux chalets de luxe – culminant à 2 800 mètres carrés et reliés par un sous-sol dans le hameau de Bellecôte – se sont échangés (très) discrètement sur la semaine du 16 octobre dernier. Selon nos informations, l'Edelweiss et Les Gentianes sont désormais détenus par Eduardo Saverin, à la tête de B Capital Group (fonds de capital-risque). Basé à Singapour, cet homme d’affaires – dont la fortune est estimée à 16 Md$ par Forbes en 2023 – est surtout connu par le grand public pour être l’un des cofondateurs, avec Mark Zuckerberg, du réseau social Facebook. De sources concordantes, ces deux opus alimentaient le marché ultra fermé de Courchevel depuis fin 2021, avant que circule un teaser à partir de novembre 2022. « Le dénouement est proche, car le futur propriétaire veut pouvoir occuper l’ensemble dès la saison prochaine bien qu’il soit déjà loué », assurait un acteur du real estate ayant ses entrées dans la station auprès de CFNEWS IMMO en août dernier. Contactés, le vendeur et l'acquéreur n'ont pas répondu à nos sollicitations.
Un ticket oscillant entre 85 et 90 M€
Si l’identité de l’acquéreur était secrète, celle du cédant n'est pas un mystère, puisqu’il s’agit du britannique Christian Levett, au travers de la structure Mougins Prestige Rentals. Connu dans l’Hexagone pour avoir créé le musée d’Art classique à Mougins sur la Côte d’Azur, cet ex-trader à la City de Londres ambitionnait, selon nos sources, de récupérer un ticket de 110 M€ via la vente d’Edelweiss et des Gentianes. « Un prix trop ambitieux bien que les deux chalets justifient d’un emplacement hyper prime en étant ski in/ski out (ou "skis aux pieds") », confiait récemment un spécialiste dans nos colonnes. Plusieurs brokers pariaient sur un prix final aux alentours de 80 M€ mais, d’après nos sources, cette transaction entre Christian Levett et Eduardo Saverin valorise les deux chalets entre 85 et 90 M€. Pour mémoire, Christian Levett, également fondateur du fonds spéculatif Clive Capital, a acquis un chalet obsolète en 2010, puis l’a démoli pour édifier Edelweiss, livré en 2012. « J’avais déjà construit le chalet Gentianes à côté et possédait le chalet Razzie plus haut sur les pistes de Bellecôte, mais Edelweiss est le plus célèbre car il est l’un des plus grands chalets des Alpes », confiait-il à Knight Frank en 2018. Désormais finalisé, ce deal sur les deux actifs représente ni plus ni moins qu'un record dans le résidentiel de luxe saint-bonnais. Le précédent exploit dans cette contrée savoyarde remonte à 2019, avec le rachat du chalet La Bergerie par l’oligarque ukrainien Rinat Akhmetov au russe Vitaly Malkin pour 77 M€.
Deux chalets ultra luxe
À l’abri des regards indiscrets, Edelweiss recense le nec plus ultra du luxe. Outre les bois sombres et pierres anthracite qui caractérise cette adresse de 2 150 mètres carrés, elle héberge, sur sept étages, huit chambres et suites, une piscine, un spa de plus de 400 mètres carrés ou encore une discothèque. Pour la saison 2021-2022, ce chalet a généré, selon nos sources, un chiffre d’affaires de 2,7 M€, contre 1,9 M€ pour la période 2014-2015. À noter : un discret logement pour une dizaine d’employés est attenant à Edelweiss. Quant aux Gentianes, il recense entre autres, sur 650 mètres carrés, sept chambres, une salle de jeux, une salle de cinéma et espaces de bien-être (spa, fitness, jacuzzi…) et a enregistré 1,1 M€ de chiffre d’affaires au cours de la saison dernière. Dans un document confidentiel consulté par CFNEWS IMMO, il est mentionné que « le chalet Les Gentianes est le plus régulier avec un chiffre d’affaires en ligne avec son taux d’occupation […]. Une rénovation complète améliorerait certainement le chiffre d’affaires et rendrait le chalet conforme à la concurrence ». De sources concordantes, Eduardo Saverin n’a pas l’intention de louer ces deux chalets à des personnes tiers.
Un millésime 2023 à plus de 320 M€
En tout et pour tout, la célèbre station de ski huppé a capté, pour le millésime 2023, plus de 320 M€ de transactions en cinq dossiers distincts. Outre les cessions très récentes d’Edelweiss et des Gentianes, la Caisse des Dépôts s’est délestée des Florineiges I et II en septembre dernier. Fief historique de l’argentier de l’État depuis six décennies à Courchevel, ce chalet collectif de vacances (30 chambres) – ainsi que son terrain d’environ 3 600 mètres carrés – a été repris par le millionnaire anglais Ian Osborne pour 64 M€ d’après nos sources. Celui-ci a pour projet d’ériger un hôtel 4* de plus de 100 clés contre une enveloppe de capex quasi identique à son prix d’acquisition. De sources concordantes, cette vente a bénéficié de l’appui du fondateur de la Folie Douce (concept qui mêle restauration, festivités et hospitality), à savoir Luc Reversade. Une des conditions imposées par la CDC (et par le maire de Courchevel en arrière-plan) pour cette vente : « Avoir un positionnement 4* permettant d’introduire une diversité par rapport aux établissements de luxe voisins. » De facto, ce prérequis, stipulé dans l’appel d’offres lancé début 2022, avait refroidi les milliardaires et millionnaires déjà lovés dans le Jardin Alpin et friands de 5* (voir article ci-dessous). En octobre dernier, la Société des Bains de Mer (SBM) a finalisé sa prise de position sur le Palace des Neiges. Jadis prénommé le Byblos des Neiges, ce 5* value-add de 78 clés s’est valorisé, selon nos sources, entre 120 et 130 M€ – soit plus d’1,5 M€/clé –, quand le montant des travaux est gardé secret pour raviver la flamme de ce fleuron hôtelier. Pour cette première prise en dehors de son bastion historique – le Rocher Monaco –, la SBM a fait affaire avec Denis Dumont, à la tête de l’enseigne Grand Frais. Plusieurs sources suggèrent que ce dernier a été approché en direct par les monégasques – « une sollicitation à laquelle il a répondu favorablement avec un prix non négociable » – quand d’autres stipulent qu’il était vendeur de ce mythique opus hôtelier depuis 2018. À noter : Denis Dumont possède également Le Carlina (5*), Le Bellecôte (4*) et Les Ducs de Savoie (3*) à Courchevel.
Julien Weiss se fraye un chemin auprès de Bernard Arnault et Xavier Niel
Parmi les autres dossiers transactés dans la station savoyarde, citons Le Pilatus. Comme révélé par CFNEWS IMMO, cet historique hôtel-restaurant 3*, lové au au pied de l’altiport, a quitté le patrimoine de la famille Ziegler pour rejoindre celui d’Alain Weill. L’actuel président de L’Express ayant déboursé près de 30 M€ off market pour les murs et fonds ce produit value-add à repositionner (voir article ci-après). Dans le sillage des milliardaires français incarnant l’hôtellerie de luxe – Xavier Niel (L’Apogée), Bernard Arnault (Cheval Blanc) et Stéphane Courbit (Les Airelles) –, Julien Weiss, à la tête du groupe éponyme, s’est invité à Courchevel 1850, avec l’acquisition d’un chalet de 600 mètres carrés en mai dernier. Situé rue de Nogentil, cet opus s’est négocié avec un privé de nationalité britannique, pour un montant de 20 M€ (capex inclus) selon nos informations. Pour ré-enchanter cette adresse en Edelstone – nouvelle branche dédiée à l’hôtellerie 5* en montagne –, le Groupe Weiss mobilisera près de 18 000 €/m2 pour les travaux. Dix suites et un spa se déploieront sur un millier de mètres carrés d’ici l’hiver 2025 – la foncière patrimoniale ayant obtenu le permis de construire. Toujours selon nos informations, Julien Weiss envisage de signer un deuxième chalet dans la station de ski, cette fois-ci près de la piste de Cospillot.