En dépit d’un marché locatif des bureaux malmené par la crise sanitaire, les actifs ultra-prime de la capitale continuent de séduire des utilisateurs. Dans la plus grande discrétion, le seuil symbolique des 1 000 € du mètre carré a même été franchi ces derniers mois, dans plusieurs immeubles du quartier central des affaires (QCA) parisien. Selon nos informations, les hôtels particuliers Le Maître et Ségur – deux bâtiments haut de gamme qui forment un ensemble de 6 500 mètres carrés au 7/9 rue Saint-Florentin, à l’arrière de l’imposant hôtel de la Marine – ont été loués à plus de 1 000 €/m2/an l’an dernier. Le nom du locataire est gardé confidentiel mais, pour rappel, ce joyau caché de la Concorde est entré dans le portefeuille du family office Dentressangle Foncière Immobilière aux alentours de 100 M€ en 2019. L’ensemble fait l’objet d’une rénovation complète dessinée par B. architecture, pour une enveloppe estimée à environ 19,5 M€. L’idée motrice est de réunir et d’harmoniser les deux édifices, afin de livrer d’ici à un ensemble de bureaux de haute qualité, alors que des commerces doivent occuper les pieds d’immeubles. Jadis, le cap des 1 000 € du mètre carré avait déjà été franchi sur de (très) petites surfaces Place Vendôme. D'après nos sources, sur cette mythique place, les compteurs se sont affolés à… 2 500 €/m2/an pour 300 mètres carrés en 2019.
XTX Market au 128 Faubourg Saint-Honoré
En décembre dernier, toujours dans le plus grand secret, XTX Market – plateforme britannique de trading qui a ouvert un bureau à Paris post-Brexit en 2018 – a choisi de poser ses valises au 128 Faubourg Saint-Honoré, contre un loyer de 1 000 €/m2/an. D’après nos sources, le market-maker a pris à bail 690 mètres carrés dans cet immeuble redéveloppé par la Cipav. « Ce loyer record se justifie notamment par la présence d’un rooftop sur la cinquième façade de l’immeuble », confie une source proche du dossier. L’institut Sothys réintégrera aussi cet actif, une fois les travaux achevés. Outre sa boutique en rez-de-chaussée, la marque de cosmétique française y logera ses bureaux au 1er étage.
Exit le fantasme de marché
De sources concordantes, ce plafond des 1 000 €/m2/an a été supplanté ou est en voie d’être dépassé sur d'autres actifs prime parisiens. Mais nul ne se risque à dévoiler publiquement quels immeubles font partie de ce cercle restreint ! Selon nos sources, une start-up dans le médical a signé, contre un loyer de 1 040 €/m2/an, 600 mètres carrés dans un opus tertiaire situé rue de Presbourg, dans le 16e arrondissement. « La barre symbolique des 1 000 €/m2 n’est plus un fantasme du marché, confie un gestionnaire d’actifs parisien. D’abord, les entreprises sont friandes de surfaces de bureaux plus petites, mais plus qualitatives. Ensuite, la localisation de leur siège reste leur critère numéro un pour retenir leurs talents. À double titre, l’hypercentralité du QCA et ses produits sophistiqués répondent à leur demande. » Quittons un instant le sacro-saint QCA parisien… D'après nos informations, face à l’Assemblée Nationale dans le 7e arrondissement, le 4 place du Palais Bourbon et ses 1 200 mètres carrés, seraient en cours de négociation pour 1 000 €/m2, auprès d’un indépendant spécialisé dans le secteur du luxe. À noter que cet hôtel particulier à restructurer, repris en co-investissement par un acteur discret et le fonds de private equity Naxicap pour 27 M€ en 2021, ne dispose pas d’espaces extérieurs. « Cette forte valeur métrique s’explique autant par l’effet de rareté du produit dans ce quartier de la capitale, que par ses attributs immobiliers intrinsèques », glisse un observateur du marché locatif.
"Le cercle des 900"
Selon nos informations, à l'heure actuelle, plus de 60 000 mètres carrés ont déjà été signés à plus de 900 €/m2/an à Paris intramuros. Dans de récentes études, les brokers ont fait part d'un niveau de loyer prime compris entre 910 et 930 €/m2/an dans le QCA. Selon Knight Frank, ce dernier atteint 940 €/m2/an, « gonflé au 1er trimestre 2022 par une signature à plus de 900 €/m2 sur un actif en cours de restructuration dans le 8e arrondissement ». L'opacité reste de règle pour les acteurs du marché mais il s'agit très probablement, comme CFNEWS IMMO l'a récemment révélé, du bail en l’état futur d’achèvement (befa) signé par Gecina sur son actif Boétie en cours de rénovation. C'est sans nul doute l'une des signatures les plus marquantes de l'année, avec un accord sur 12 ans sur une surface notable de 7 800 mètres carrés et un locataire de renom - Eight Advisory - pour un niveau compris entre 930 et 950 €/m2/an d'après nos sources. « Ce deal fait référence en raison de la surface importante prise à bail et sa durée. D’autant plus que la Boétie n’est pas un secteur réputé pour être facile à louer en immobilier de bureaux », glisse un fonds de private equity. D'autres grands noms de la place financière s'activent aussi sur un ensemble bientôt vacant : le 52 avenue Hoche, futur ancien siège d'Allen & Overy détenu par J.P. Morgan, qui va s’installer dans l’ancien siège d’Europe 1, rue François 1er. Le cabinet d’avocats a signé, auprès d’Ardian Real Estate, un befa sur l’intégralité du projet Renaissance (6 900 mètres carrés) à plus de 900 €/m2/an selon nos sources.
Le 83 Marceau comme référence
D'après nos informations, trois utilisateurs – Eurazeo, McKinsey et Barclays – se sont positionnés pour relouer la totalité des 12 000 mètres carrés du 52 avenue Hoche à environ 920 €/m2/an. « Le scénario est assez original pour ce dossier locatif… C’est à celui qui remettra la meilleure offre », lâche un investisseur de la place. De son côté, l'équipe de Stéphanie Bensimon, membre du directoire d'Ardian et responsable du pôle real estate, a conforté sa place dans "le cercle des 900", avec d'autres signatures emblématiques. Citons celles sur le 2 Place de Rio, dans le 8e arrondissement. Cet immeuble entièrement restructuré, qui selon nos informations va être revendu à un fonds anglo-saxon, a attiré King & Spalding, Amala Partners ou encore Blackfin Capital Partners et Andera Partners. De sources concordantes, tous ont signé à 930 €/m2/an, en concédant un niveau de franchise toujours en ligne avec ce qui se pratique dans le QCA, à savoir entre 15 et 18 %. À la sortie du premier confinement en 2020, Goldman Sachs avait déjà créé une référence sur l’ultra-prime 83 Marceau détenu par SFL, en s'engageant en befa sur une valeur faciale de 930 €/m2/an. Mais la première foncière cotée à avoir officialisé, par voie de communiqué, un bail à ce niveau est Gecina : en 2020, la SIIC alors dirigée par Méka Brunel, a signé sur la base d'un loyer à 900 €/m2 dans le Triangle d'Or, avec la pré-commercialisation du 9-15 avenue de Matignon, auprès de KKR et Eastdil Secured, sur une surface totale de 1 000 mètres carrés.
Hermès sur Anjou
Dans le (très) cossu 8e arrondissement, Roland Berger s'est lui engagé à un loyer brut d’environ à 930 €/m2/an dans l'immeuble de la rue Jean Goujon de Covivio, sur 3 600 mètres carrés et neuf ans fermes. Comme CFNEWS IMMO l'a révélé, la foncière cotée dirigée par Christophe Kullmann a également commercialisé l’intégralité du 11-15 rue d’Anjou à Hermès. Dans le cadre d’un befa trois ans avant que l’actif soit livré, la maison de luxe va s’acquitter d’un loyer moyen de 930 €/m2/an sur les étages les plus hauts. Ce choix opéré Hermès n’est pas le fruit du hasard, mais révèle bien d’une stratégie d’extension mûrement réfléchie… Dans ce secteur du quartier central des affaires parisien, elle occupe déjà plusieurs adresses tertiaires. Pour ne citer qu’elles : le 10-12 rue d’Anjou, le 13-15 Ville-l’Évêque et le 8 Penthièvre. Sans oublier le siège social qui coiffe le flagship historique du 24 Faubourg Saint-Honoré. Toujours dans le 8e arrondissement, SFL, dirigé par Nicolas Reynaud, a enregistré trois befa à l’automne dernier pour son centre d’affaire Cézanne Saint-Honoré, contre un loyer moyen d’environ 890 €/m2/an. Trois deals locatifs actés avec Lacourte Raquin Tatar (3 300 m2), la banque d’affaires Lincoln International (1 600 m2) et Wendel Investissement (3 700 m2). D’après nos sources, la famille Wendel cherche d'ailleurs à se séparer du siège de sa structure dédiée au capital-investissement situé au 89 rue Taitbout, dans le 9e arrondissement. Un process qui affole actuellement tout le marché.
Le 50 Montaigne dans le cercle
La liste des opus tertiaires loués à plus de 900 €/m2/an continue de s’allonger dans la capitale, notamment dans le 7e arrondissement. Selon nos sources, le groupe de luxe Kering, via un bail douze ans, débourse environ 965 €/m2/an pour occuper les 2 500 mètres carrés de l’hôtel particulier du 15-17 rue Monsieur. De mémoire, cet actif, rebaptisé Muse lors de sa restructuration, est détenu par Swiss Life Asset Managers France. Traversons à nouveau la Seine pour rejoindre le Triangle d’Or, plus exactement le 50 avenue Montaigne. Ici, Chelsfield France – pour le compte d’Olayan, conglomérat familial saoudien qui détient plusieurs immeubles dans le QCA parisien suite au rachat du portefeuille Risanamento en 2014 (1,2 Md€) – a loué 12 500 mètres carrés de bureaux neufs et haut de gamme à l’une des maisons de LVMH. D’après nos sources, il s’agit de Moët Hennessy, la branche "Vins & Spiritueux" du groupe de Bernard Arnaud, signant à 925 €/m2/an à l’automne dernier. À quelques rues de là, une autre opération de restructuration d’envergure – Maison Bayard – a permis de séduire plusieurs locataires pour des loyers compris entre 915 et 950 €/m2/an. Parmi eux : le cabinet d'avocats Dechert, Neoen ou encore Strategies & Corp. En deçà des 1 000 €/m2/an, dans le 17e arrondissement de Paris, la maison Dior a contracté, d’après nos sources, un bail classique à 980 € pour un millier de mètres carrés au 7 rue Tilsitt, détenu par Groupama Immobilier. De sources concordantes, le même investisseur a revu à la hausse le loyer de présentation pour Ulteam, au 20 rue de Washington, dans le 8e. Cet immeuble haut de gamme, qui sera livré en juin 2022, affiche désormais 985 €/m2/an au compteur, contre 960 € auparavant. L’américain Cisco tiendrait la corde pour louer l’intégralité de l’actif (6 000 mètres carrés) face à deux autres prétendants.