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La généralisation du télétravail depuis un an a bouleversé la vision des investisseurs à l'égard des bureaux. Analyse de Gonzague de Trémiolles, directeur d’investissement chez Omnes...

| 888 mots

Gonzague de Trémiolles, Omnes Capital

Ces dernières semaines, la communauté des investisseurs immobiliers s’interroge sur l’avenir des bureaux comme classe d’actifs. La généralisation du télétravail pour une grande majorité des emplois de service depuis la mi-mars 2020 fait craindre une désertion massive et brutale des plateaux de bureaux et donc une baisse de la valeur des immeubles. 

Si de fait les habitudes de travail sont en mutation, les effets de cette mutation sur les mètres carrés consommés par les entreprises pourraient néanmoins être atténués par quelques considérations économiques.   

D’abord, l’impact du télétravail sur les besoins en mètres carrés des entreprises n’est pas facile à estimer réellement. Considérer qu’un jour de télétravail par semaine impliquerait une diminution proportionnelle des surfaces de bureaux nécessaires de 20 % fait l’hypothèse que le télétravail serait équitablement distribué sur tous les jours de la semaine. Or les jours de télétravail auront vraisemblablement tendance à se concentrer en fin et en début de semaine. Ce faisant, les besoins en mètres carrés les autres jours de la semaine - et donc le niveau le plus haut au sein de chaque semaine – seront moins affectés. Et c’est bien le pic (et non la moyenne) qui dimensionne les besoins en mètres carrés d’une entreprise. 

De plus, pour que le télétravail fonctionne de manière efficace et ait un impact réel sur les besoins de surfaces des entreprises, il faut le coupler avec le "flexoffice" i.e. la fin des bureaux personnels qui vise à améliorer le taux d’occupation de chaque mètre carré. Mais eu égard aux préoccupations sanitaires qui devraient perdurer dans l’esprit des salariés et/ou des CSE, cette flexibilité devra nécessairement s’accompagner de protocoles renforcés, qu’il s’agisse du rythme de nettoyage et de désinfection des locaux, du maintien d’une surface unitaire par personne permettant de respecter les distances requises, ou d’un renforcement des dispositifs de traitement d’air pour en augmenter les capacités. Ces surcoûts devront être intégrés par les entreprises dans leur raisonnement.

Et elles devront par ailleurs réintégrer des coûts qui ne peuvent pas durablement être transférés vers les salariés. Penser par exemple que les entreprises vont économiser des mètres carrés en demandant à leurs collaborateurs de mettre gratuitement à disposition une pièce de leur logement est un doux rêve compte tenu de la taille relative d’un poste de travail (environ 10 mètres carrés en intégrant les parties communes) au regard du pouvoir d’achat immobilier des Français (un peu moins de 90 mètres carrés en moyenne en France métropolitaine, 52 mètres carrés en Île-de-France). De même pour les utilités et les équipements mobiliers et informatiques. Or d’un point de vue plus global, les plateaux de bureaux sont générateurs d’économies d’échelle grâce à l’optimisation de l’occupation des espaces de travail (dimensionnés à cette fin au contraire d’une chambre ou d’un salon dans un appartement), à la mutualisation de certaines dépenses (télécommunication par exemple), ou à la massification d’achats standardisés. 

Au-delà même des entreprises, il n’est pas acquis non plus que la planète soit gagnante dans cette affaire. Les cadres qui auront fui les grandes métropoles au profit des campagnes passeront plus de temps dans des moyens de transport polluants pour rejoindre leurs anciens bureaux ou aller rencontrer des clients et des fournisseurs. De même, augmenter le nombre de jours de chauffe d’un logement mal isolé et/ou équipé d’un système de chauffage peu efficient au regard des émissions de GES, au détriment de jours de chauffe dans des bureaux HQE pourrait s’avérer contreproductif sur le plan de la performance environnementale globale. Et si l’on envisage qu’un jour les entreprises devront répondre de leur bilan carbone et investir pour diminuer leurs émissions de GES, là encore, les « dés-économies » d’échelle provoquées par le télétravail pourraient se traduire en pertes sonnantes et trébuchantes dans les comptes d’exploitation.

Bref, la baisse structurelle estimée par certains de 20 % à 40 % de la demande en mètres carrés des entreprises à l’échelle nationale est certainement surestimée. En revanche, face aux besoins accrus de flexibilité, les entreprises seront encore plus attentives à l’efficacité et à la réversibilité de leurs bureaux, à la qualité de leur desserte (transports en commun, réseau ferré, desserte routière, etc.), et à la prise en compte de l’empreinte carbone et du bien-être de leurs collaborateurs. De quoi sans doute alimenter la croissance des opérateurs de coworking et d’immobilier de bureaux gérés (serviced office) dans les années à venir et renforcer la polarisation entre les actifs adaptés aux mutations en cours et les autres.

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