Karlekar Indraneel - Principal Real Estate Investors
Lorsque les investisseurs institutionnels ou les particuliers fortunés investissent dans l’immobilier, ils ont généralement cinq types de biens en tête : les bureaux, les commerces, les immeubles résidentiels, l’immobilier industriel, et, dans une moindre mesure, les hôtels. Mais ces cinq types de biens immobiliers classiques sont de plus en plus concurrencés par d'autres, que nous appelons les biens alternatifs ou non traditionnels. Ils s’inscrivent dans des segments aussi divers que le self storage, les établissements de santé, les logements préfabriqués, les infrastructures et les data centers.
Ces biens alternatifs bénéficient d’une augmentation significative de l’intérêt des investisseurs et des capitaux engagés, que ce soit dans l’immobilier coté ou non coté.
Selon le cabinet de conseil Real Capital Analytics, les biens immobiliers alternatifs on représenté environ 24 % du volume total des transactions aux États-Unis en 2020. Cette forte proportion de biens alternatifs se révèle encore plus marquée sur l’immobilier coté avec environ 56 % de la capitalisation boursière totale des foncières américaines (REIT) à la fin de 2020. L’intérêt grandissant que connait ce type d’actifs à croissance rapide, hors des segments traditionnels du secteur immobilier institutionnel, méritent clairement un examen plus approfondi.
C’est le marché des REIT, cotées en bourse, qui s'est aventuré en premier dans le secteur des biens immobiliers alternatifs, élargissant ainsi considérablement l’environnement d'investissement des foncières et améliorant la diversification des investisseurs. Une autre raison de les inclure dans un portefeuille immobilier est qu’ils génèrent des flux de trésorerie stables et réguliers. Par ailleurs, aux États-Unis, bon nombre des plus grandes REIT par capitalisation boursière opèrent dans la catégorie de ces biens immobiliers non traditionnels.
L’univers immobilier privé intègre de plus en plus des actifs immobiliers alternatifs
Bien que les acteurs privés – c’est-à-dire non cotés – du marché immobilier institutionnel aux États-Unis accusent à ce jour un net retard par rapport aux REIT, eux aussi se développent rapidement dans le secteur alternatif. On a ainsi pu constater une augmentation significative des investissements dans ces classes d’actifs ces dernières années. Actuellement, ces biens non traditionnels représentent 5 à 6 % de l'indice très reconnu ODCE (Open-End Diversified Core Equity) du Conseil national des fiduciaires d'investissement immobilier (NCREIF). Une grande partie de l'indice se concentre sur le self storage, tandis que la composante relative aux data centers, aux établissements de santé, et autres, évolue encore. D'autres types de biens, tels les logements préfabriqués, sont toujours à un stade de développement précoce, mais l'appétit des investisseurs pour ces actifs croît rapidement également. Selon nos estimations prudentes, les biens alternatifs pourraient représenter environ 15 % de l'indice ODCE d'ici 2030, soit presque trois fois le niveau actuel.
Les biens non traditionnels ont également toute leur place dans un portefeuille immobilier classique
L'essor rapide de l’immobilier non traditionnel aux États-Unis repose sur des arguments de taille. Ces nouveaux segments obéissent à une logique de marché substantiellement différente de celle des segments traditionnels. Par conséquent, ils offrent des avantages en matière de diversification, en particulier pour les portefeuilles aux stratégies plus classiques. En outre, les rendements sont impressionnants. Les données des REIT cotées aux États-Unis montrent que les biens non traditionnels ont généré des rendements absolus parmi les plus élevés sur une période de 20 ans (voir le tableau ci-dessous). Le self storage, les établissements de santé et les logements préfabriqués se distinguent notamment grâce à leurs performances absolues robustes sur presque toutes les périodes. Quant aux data centers, qui forment une classe d’actifs plus jeune, ils affichent d’excellents rendements sur trois et cinq ans.
Les data centers constituent également une classe d’actifs alternatifs idéale car leurs facteurs de croissance ne sont pas du tout les mêmes que ceux des secteurs immobiliers traditionnels. Par exemple, le besoin de stockage et de traitement des données a été davantage dynamisé par les nombreux changements observés chez les ménages et dans les entreprises du fait de la pandémie de Covid-19. L'augmentation du trafic de données nécessite une infrastructure plus robuste avec des data centers adaptés. Ces derniers sont ainsi devenus un rouage important de l’environnement économique. Cela a d’une part accru l'intérêt des investisseurs, et d'autre part, donné aux entreprises de ce secteur la mission d'attirer davantage de capitaux pour maintenir et étendre leurs infrastructures. Cette tendance ne s'inversera pas une fois la pandémie terminée.
Il est par ailleurs intéressant de noter que les data centers répondent à des facteurs d’implantation très différents de ceux des autres biens immobiliers : connexion aux réseaux mondiaux de fibre optique, proximité avec les zones métropolitaines pertinentes telles que Francfort, Londres, Amsterdam ou Paris (avec à la clé des temps de latence courts), coûts d'électricité, et ainsi de suite. Ces facteurs d’implantation très spécifiques génèrent une offre structurellement limitée, alors que la demande augmente. Ce déséquilibre continuera probablement à faire augmenter les prix.
Quoi qu’il en soit, les investisseurs professionnels semblent avoir identifié les opportunités qu’offrent les data centers. Selon le département spécialisé en data centers de Cushman & Wakefield, plus de 100 Md$ ont afflué vers le secteur au cours de la dernière décennie. Et les rendements présentés donnent clairement raison aux investisseurs.
D’aucuns pourraient avancer que les rendements indiqués concernent les foncières, qui plus est les REIT américaines, et que l’on ne dispose pas d’assez de données pour effectuer une comparaison avec l'immobilier non coté ou d'autres marchés géographiques, telle l'Europe. Toutefois, nous pouvons au moins conclure à une certaine similitude entre les performances des biens immobiliers cotés et non cotés. Les data centers, les entrepôts de self storage ou les biens résidentiels, par exemple, fonctionnent sur des modèles similaires, qu'ils soient cotés ou non. Surtout, les données historiques sur les REIT montrent que l'allocation à une classe d’actifs immobiliers alternatifs répond à deux besoins importants des investisseurs : la performance et la diversification.
Les investisseurs seront gagnants à mesure que l’immobilier non traditionnel se généralisera
Nous constatons sur le marché que les biens non traditionnels sont en train de s’établir lentement mais sûrement dans les portefeuilles des investisseurs institutionnels et des particuliers fortunés. Maintenant que le marché des REIT cotées a ouvert la voie à ces nouveaux types d’actifs immobiliers, les transactions correspondantes dans le secteur non coté vont de même fortement augmenter.
Nous constatons également que les types de biens tels que les data centers, les entrepôts frigorifiques et les entrepôts du dernier kilomètre vont continuer à estomper la frontière entre immobilier et infrastructure, ce qui peut offrir aux investisseurs une flexibilité supplémentaire dans l’allocation d’actifs.
La diversification, les rendements avantageux et la flexibilité sont des arguments clés en faveur de biens immobiliers non traditionnels. Les investisseurs auraient avantage à examiner de près ces segments de marché dès maintenant pour y accéder tant que l’augmentation structurelle de la demande à l’investissement en est encore à un stade précoce.