Le 5* Balzac à Paris. DR
Le tribunal de commerce de Paris a rendu son jugement sur le dossier JJW Hotels & Resorts, quant à la possibilité d'accorder un nouveau délai à son propriétaire, l'homme d'affaires austro-saoudien Mohamed Bin Issa Al Jaber pour qu'il puisse travailler sur un plan de continuation. Et le moins que l'on puisse dire, « c'est que le tribunal entend maîtriser l'agenda », comme nous l'explique une source proche du dossier. « Par deux séries de jugements, le tribunal a fixé un double calendrier : d’ici le 14 avril, JJW doit avoir réglé l’ensemble des dettes de la période de redressement judiciaire et fournir une garantie solide pour les mois qui viennent. L’enjeu est le renouvellement de la période d’observation, qui arrivait à expiration le 26 mars. Si cette prolongation est prononcée, JJW doit fournir avant le 23 avril son plan de refinancement, annoncé lors de la dernière audience et, dans ce cas, le tribunal l’examinera lors d’une audience début mai. Enfin, le tribunal a renvoyé l’examen des offres de reprise au 28 mai. »
De 100 à 175,5 M€
En attendant de reprendre le fil du processus de reprise de la branche française de l'opérateur hôtelier, en redressement judiciaire depuis bientôt un an, les offres finales remises le 9 mars dernier livrent déjà bien des enseignements sur les valorisations de l'hôtellerie value-add, à l'heure de la crise sanitaire. Avec l'apparition de la pandémie, les volumes investis sur le segment hôtelier se sont effondrés, s'établissant à 1,1 Md€ en 2020 d'après les chiffres de CBRE dévoilés par CFNEWS IMMO, contre 2,5 Md€ en 2019. Soit la plus forte contraction hôtelière constatée dans l'histoire récente. Pour établir des échelles de valeurs, les spécialistes doivent aujourd'hui se référer aux transactions bouclées en 2019, notamment pour les valorisations des établissements haut de gamme. C'est là que l'analyse de la trentaine d'offres améliorées remises le 9 mars, pour reprendre tout ou partie de la branche française de JJW Hotels & Resorts, prend tout son sens.
Environ 700 000 €/chambre pour un 5* à rénover dans le Triangle d'Or
À la remise des offres finales, la trentaine de candidats valorise la branche française entre 100 et 175,5 M€ pour le mieux-disant, à savoir le Groupe Bertrand, associé à l'entrepreneur Jean-Claude Lavorel et à Oceania Hotels. Un prix global qui ne tient compte pour ce dernier, ni des capex, ni « des charges augmentatives du prix ». Une telle variation de prix se ressent forcément sur les valorisations des neuf hôtels classés 3, 4 et 5* que détient JJW à Paris et en région. Surtout pour les deux 5* parisiens situés rue de Balzac et détenus par la branche luxe, JJW Luxury Hotels : le Balzac (69 chambres et suites), qui abrite le restaurant triplement étoilé de Pierre Gagnaire, et le Vigny (37 chambres et suites), qui loge lui le restaurant 1* Michelin du chef italien Alberico Penati. Deux pépites situées dans le Triangle d'Or et qui intéressent tous les candidats. Pour ces deux établissements, la valorisation murs et fonds passe du simple au double : de 73 M€ (le Groupe Bertrand) à 40 M€ pour les moins-disants. Pour le seul Balzac, le prix varie ainsi de 28,9 M€ à 50,5 M€ pour la meilleure offre (celle de LoneStar/Paris Inn, vs 48 M€ pour le Groupe Bertrand). Pour le Vigny, il oscille entre 16,5 M€ et 25 M€ (le Groupe Bertrand). Les mieux-disants font ainsi ressortir un prix d'environ 700 000 €/chambre pour un 5* à rénover, dans le Triangle d'Or. Sachant que quasi tous anticipent dans leur business plan, un retour à la rentabilité en 2022 et entrevoient de retrouver un taux d'occupation normal de 85 % seulement à partir de 2024.
Autour de 500 000 €/chambre pour un 4* parisien à repositionner
L'analyse est tout aussi intéressante pour les 4* de la branche Amarante. La filiale de JJW France est à la tête de quatre hôtels : Amarante Champs-Élysées et Amarante Beau Manoir à Paris ; Amarante à Cannes et Amarante Golf Plaza à Sainte-Maxime (fermé depuis 2017 et qui suscite très peu l'intérêt des candidats). Pour Amarante Champs-Élysées (39 chambres et suites), le prix murs et fonds varie de 12 M€ à 25 M€ (le Groupe Bertrand). Pour Amarante Beau Manoir (60 chambres et suites), situé rue de l'Arcade, dans le 8e arrondissement, il oscille de 5,8 M€ à 20,4 M€ (Sweet Inn/Foncière Timna). Autrement dit, pour les mieux-disants, un 4* à Paris nécessitant une dizaine de millions d'euros de capex à injecter s'évalue toujours autour de 500 000 €/chambre.
Des prêteurs présents
L'étude des offres améliorées livre d'autres enseignements pour le marché, comme le profil des banques prêtes à financer, en pleine crise, l'hôtellerie à restructurer. Parmi elles, Aareal, qui est pourtant le principal créancier des sociétés de Mohamed Bin Issa Al Jaber. La créance de la banque allemande s'élève à 97 M€, un montant qui monte à quelque 140 M€ en tenant compte des intérêts capitalisés. Elle est pourtant prête à financer un candidat à hauteur de plus de 100 M€ pour qu'il puisse acquérir et redévelopper ces actifs. D'autres prêteurs font aussi valoir leur accord de principe, comme Citibank ou Bank of America Europe. Pour se distinguer, plusieurs candidats "cash rich" s'engagent eux à financer en fonds propres la reprise. Tous attendent avec impatience de savoir si le tribunal de commerce de Paris va accorder du temps supplémentaire au cheikh Al Jaber pour finaliser un plan de continuation. Mohamed Bin Issa Al Jaber serait lui aussi en train de négocier avec des fonds de poids, Apollo et Carlyle, pour présenter son plan de refinancement.