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Ces transactions qui n'ont pas passé l'été

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La liste des deals mis en stand-by entre juin et juillet, ou purement retirés, s'échange sous le manteau depuis la rentrée. Parmi ces dossiers figurent le siège des Galeries Lafayette dans le 9e arrondissement de Paris, Citizen à Bois-Colombes ou encore Bokken à Saint-Denis.

| 1753 mots
Une information CFNEWS IMMO

C'est l'un des signaux parmi les plus scrutés et commentés du marché à l'heure actuelle. Le nombre de transactions retirées du marché, mises en stand-by ou tout simplement avortées. Celles dont les signing n'ont pas été réalisés avant la remontée brutale des taux et le choc énergétique survenu un peu avant le début de l'été. Le chiffre fait consensus sur le marché : entre juillet et août, plus de 3,5 Md€ de transactions ont été "droppées" à Paris et en région parisienne, dont – d'après JLL – « 46 % dans le core, 31 % dans le core+ et 22 % dans le value-add ». Côté secteurs géographiques, 27 % concernent la Première Couronne, 26 % Paris (hors QCA), 25 % le Croissant Ouest, 18 % le QCA et 4 % La Défense, tenant compte que les transactions les plus touchées sont celles dépassant les 200 M€. 

Les soldes ont commencé outre-Manche  

La liste de ces deals retirés s'échange sous le manteau depuis la rentrée, lors de bilans de marché tenus à huis clos. Quels sont-ils ? Pour quelles raisons voient-ils leurs process suspendus au choc économique du moment ? Sur cette dernière question, la réponse ne tarde pas à émerger : la nouvelle donne économique, très complexe à lire ; la fermeture du robinet de crédit, assurément pour les actifs trop leveragés ou trop risqués ; le repricing qui tarde à être consenti par les vendeurs... L'Hexagone ne reflète pas ainsi encore très nettement, sur le marché de l'investissement, les dommages collatéraux de la hausse des taux, de l'inflation, des augmentations des coûts de l'énergie, des tensions géopolitiques... Alors qu'outre-Manche, comme le rappelle Marc Fiorentino dans sa newsletter Morning Zapping, « les soldes ont commencé en Grande-Bretagne. Les fonds de pension britanniques sont sous pression après la crise sur les emprunts d'État et doivent trouver de la liquidité. Ils ont liquidé une partie de leurs actifs liquides. Mais maintenant, ils doivent céder une partie de leurs actifs illiquides comme l'immobilier, ou le private equity. Et on parle de décote de 20 à 30 % », rapporte le co-fondateur de Meilleur Taux, spécialiste des marchés financiers, banquier d'affaires et essayiste. 

Des rendements à l’acquisition supérieurs de 30 à 50 pdb

Daniel While, Primonial REIM - ©Crédits Alexandre Coia

Daniel While, Primonial REIM - ©Crédits Alexandre Coia

Pour autant, la France n'est pas complètement dans sa bulle. « Les conditions des transactions publiées avant le 30 juin 2022 (date des derniers chiffres officiels) renvoient, pour l’immense majorité, à des décisions d’investissement antérieures au 24 février 2022, rappelle de son côté Daniel While, directeur de la recherche, de la stratégie et du développement durable de Primonial REIM. Certaines transactions sont interrompues (retrait du marché en cours d’appel d’offres), ou sont réalisées à un prix décotés, avec des rendements à l’acquisition supérieurs de 30 à 50 points de base à leur niveau antérieur », assure-t-il, précisant que « l’immobilier, pour être attractif, doit proposer une prime substantielle (évaluée généralement à 150-200 points de base) par rapport aux obligations d’État. Pour que la décompression des taux de capitalisation ne se traduise pas par des baisses de valeur trop brutales, les gérants doivent profiter à plein de l’effet positif de l’indexation des loyers, qui lui-même soutient les prix ». 

Près de 2 Md€ retirés sur le marché du core 

Rares sont les acteurs à rendre publique la liste des dossiers pris dans la tourmente du contexte macro-économique et géopolitique actuel, et qui sont à l'arrêt. À raison. Il n'empêche, certains font plus parler le marché que d'autres, de part leur envergure ou leur localisation. Notamment sur le segment du core. C'est le cas du siège des Galeries Lafayette dans le 9e arrondissement de Paris (entre 300 et 400 M€ en volume selon nos informations) ou du 29 Châteaudun dans le même secteur (400 M€). C'est aussi celui de Kadence dans le 13e arrondissement de la capitale (220 M€), d'Ilo à Paris 15 (250 M€), de Citizen à Bois-Colombes (256 M€) ou du Flow à Montrouge (200 M€). Entre juin et juillet, sur le profil core, près de 2 Md€ ont ainsi été retirés du marché d'après nos sources. Si l'on regarde du côté des actifs core+, figurent parmi ceux pour l'heure retirés Terra Nova 4 à Montreuil (200 M€), Forum Seine à Issy-les-Moulineaux (300 M€) ou Place de Seine à Levallois-Perret (270 M€). Entre juin et juillet, sur ce profil de risque, plus d'1 Md€ a été retiré du marché. Quant au segment value-add, il est marqué par le retrait de Bokken à Saint-Denis (80 M€) ou du chemin compliqué qu'emprunte River Plaza à Asnières-sur-Seine. D'après nos sources, l'actif a été repris par son créancier, qui a mandaté deux conseils pour le vendre à... 50 M€. Mais même comme ça, le deal intéresse peu les investisseurs, qui rencontrent toutes les difficultés à pricer un tel actif dans le contexte actuel. Difficile de faire l'impasse aussi sur le premier quartier d'affaires d'Europe, lorsqu'on évoque les process en stand-by. La tour AdriaDéfense Ouest, les tours Total (Michelin et Coupole) font partie des actifs qui peinent à voir acquéreurs et vendeurs trouver un compromis sur le prix. Sans oublier The Link, un projet à 1 Md€ porté par Groupama Immobilier, qui continue de chercher un co-investisseur, alors que les coûts de construction de ce qui constituera le futur siège de Total ne cessent d'être revus à la hausse. 

La situation des principaux marchés européens en termes d’inflation et de prime de risque, au T3 2022.

La situation des principaux marchés européens en termes d’inflation et de prime de risque, au T3 2022.

Le logement désormais à 3 % 

Le second semestre a démarré également avec un recul notable de l'appétit pour le résidentiel, y compris l'existant. Près de 500 M€ de process ont été retirés entre les mois de juin et de juillet, faute d'offres ou de souhait des vendeurs d'accepter une décote, quand bien même l'actif révèle, lors de la data room, des défauts (mauvais diagnostic de performance énergétique, état locatif non stabilisé, défaillances techniques...). En cause aussi : le message négatif que fait passer le Gouvernement sur l'indexation des loyers, laissant les investisseurs sceptiques quant à leur retour sur investissement. D'après nos informations, Axa IM Alts a notamment retiré récemment deux immeubles résidentiels du marché, un rue de Varenne dans le 7e arrondissement de Paris et l'autre boulevard de Courcelles, dans le 17e. Deux actifs qui représentaient un volume de 200 M€ en valeur. De fait, les immeubles de logements résidentiels existants, directement impactés par la remontée des taux d'intérêt, accusent déjà une décote de l'ordre de 15 à 20 % selon un spécialiste de ce marché. Une décote qui correspond aussi « au coût du verdissement, vu les capex à injecter pour remettre aux normes les actifs ». Tenant compte qu'une étude de l'Insee tout juste parue indique que 45 % des logements en Île-de-France sont sous le seuil de « l’indécence énergétique » ou vont l'atteindre (classements E, F ou G), se voyant de fait purement interdits de mise en location à horizon 2025. Le contexte est tel que les brokers assurent être aujourd'hui incapables de faire ressortir un yield de 2,5 % dans les rares process encore regardés par les investisseurs. Le taux tourne désormais plus autour de 3 %, d'autant que Century21 a révélé dans sa dernière étude que le mètre carré parisien vient de repasser sous la barre des 10 000 €, en atteignant 9 758 €/m2. Du côté des vefa, l'horizon n'est pas plus optimiste. Les particuliers mettent pour le moment de côté leurs souhaits de devenir propriétaires, tandis que les investisseurs en bloc ne comptent plus acheter aux mêmes conditions qu’hier... 

L'hôtellerie aussi touchée 

Hotel California Paris - Credit - Les Hotel du Roy

Hotel California Paris - Credit - Les Hotel du Roy

Sur les classes d'actifs plus alternatives, les appels d'offres ne sont pas non plus épargnés. Prenons l'exemple du marché hôtelier qui, malgré des indicateurs positifs, acte le net ralentissement, voire la suspension, de plusieurs process. Ainsi en est-il, d'après nos informations, du California à Paris remis sur le marché après une première négociation avortée ; du Courtyard Porte de Versailles ; du Méridien Porte Maillot, détenu par Henderson Park (qui a finalement réussi à vendre le Westin Paris Vendôme) - ou encore de l'Hyatt Regency Paris Etoile, également situé Porte Maillot. Des actifs qui, de part leur taille et/ou du niveau de capex à injecter, demandent une expertise certaine et très souvent, un recours à l'effet de levier, sachant que les marges évoluent, sur le marché du real estate, entre 90 et 190 pdb pour un même actif.

De nouveaux actifs vont être retirés  

David Bourla - Knight Frank - 200

David Bourla - Knight Frank - 200

La liste des actifs retirés de la vente va-t-elle encore s'allonger ces prochains mois ? Oui si l'on en croit les brokers, notamment sur le marché francilien des bureaux. « Il est peu probable que l’attentisme s’estompe en raison d’un marché locatif encore convalescent, de livraisons à venir parfois abondantes et des craintes de récession, même si l’emploi a pour l’instant résisté au ralentissement de l’économie », estime David Bourla, directeur des études chez Knight Frank France. Contrairement au segment des commerces, dont l’attrait a été renforcé par le réajustement des valeurs, l’activité des bureaux pâtit aussi d’un écart encore conséquent entre les attentes des vendeurs et ce que les acquéreurs sont prêts à débourser. » Mais le repricing est bien en marche, quoiqu'il en coûte. « Une correction des prix est en train de s’opérer, ce qui devrait à terme donner plus de fluidité au marché et permettre de relancer certains processus de cession, assure David Bourla. Ceci est d’autant plus probable que les liquidités à investir restent abondantes, que le robinet du crédit ne s’est pas tari et que le bureau reste incontestablement l’actif dominant, jouissant encore d’une réelle popularité quand l’immeuble est bien situé, bien loué, adapté aux nouveaux modes de travail et vertueux sur le plan environnemental », conclut-il. De son côté, Daniel While rappelle que « dans un monde où les taux ne sont pas amenés à baisser en continu, c’est le revenu locatif qui redevient la source principale de performance ». Et d'accompagner son propos d'un tableau (ci-dessus), récapitulant la situation des principaux marchés européens en termes d’inflation et de prime de risque. « Plus cette dernière est élevée, plus le secteur est attractif en termes de rendement et a donc un atout pour protéger ses valeurs », conclut-il. 

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