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120 secondes pour comprendre l'hurdle

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Au début de l’été, Amplegest a complété son offre, en proposant un placement basé sur l’acquisition opportuniste de biens immobiliers décotés sur lesquels un travail d’asset management est la source de la création de valeur. TRI cible visé : 12 % net avec un hurdle de 6 %.

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Vous avez dit hurdle

12,80… Ce n’est pas le taux de rendement d’un projet, mais le record du monde du 110m haies, le "110 meters hurdles" en anglais. Hurdle provient du vieil anglais "hyrdel" signifiant historiquement une barrière temporaire en agriculture, puis un obstacle à franchir dans les compétitions sportives, dans les deux cas la haie en français. Mais alors, pourquoi parler de "hurdle" en finance ?

Tout d’abord

  • En finance, comme en sport, la performance peut dépendre d’obstacles à franchir. Par exemple, un investisseur peut estimer que pour être performant, le type d’investissement qui lui est proposé par un gestionnaire doit rapporter au moins 10,0 % de rendement annuel. Ainsi, avant de confier son argent au gestionnaire, l’investisseur peut souhaiter conditionner la majeure partie de la rémunération de gestion à l’atteinte d’un objectif minimum. Si le gestionnaire atteint l’objectif, il bénéficiera d’une rémunération confortable sinon, il n’aura qu’une rémunération de base. La rémunération de la performance ne démarre qu’au-delà du "hurdle de 10,0 %".
  • Supposons 100 M€ investis et devant rapporter au moins 10,0 % par an. Au bout de deux ans, le profit doit être d’au moins 21 M€ pour atteindre le seuil fixé (hurdle). Si le profit n’est que de 15 M€, le gestionnaire ne bénéficiera que de la rémunération de base, disons 2 M€, soit par an 1,0 % des 100 M€ investis. Si le profit est de 35 M€, le gestionnaire aura contribué à capturer 14 M€ de profit au-dessus du seuil. En règle générale, cette surperformance fait l’objet d’un partage entre l’investisseur et le gestionnaire. Si le partage correspond à 80/20, le gestionnaire aura, en sus de sa rémunération de base, 20 % des 14 M€, soit 2,8 M€, plus que le double de sa rémunération de base. Dans cet exemple, l’intéressement du gestionnaire à la surperformance est régi par la règle 20 au-delà de 10 ("20 over 10"), signifiant qu’il a droit à 20 % du profit au-delà de la "hurdle" de 10,0 % (de rendement par an).
  • Ce partage du profit "profit sharing" ou "profit split", est une forme de rémunération quasi-capitalistique qui permet au gestionnaire d’avoir accès à une fraction du profit réalisé grâce à l’investissement d’origine, alors même qu’il n’a pas investi. Le gestionnaire est ainsi "promu" investisseur, d’où le terme aussi utilisé pour définir son intéressement : le "promote", contraction de sponsor promote. Pour définir la même chose, on utilise aussi le terme de "carried interest". Cette expression datant du XVIe siècle est assez imagée. Elle rappelle qu’à l’origine, les capitaines de bateau convoyant des marchandises d’Europe au Nouveau Monde, pouvaient prendre 20 % de leur cargaison (carried goods), s’ils arrivaient à bon port. Non seulement cela payait les frais et le risque, mais cela constituait aussi une forme de motivation, voire d’alignement d’intérêt, prémices historiques de la théorie des contrats.

C’est pourquoi

  • Le partage de profit se construit sur deux mécanismes principaux. D’une part le seuil à atteindre (hurdle), qui constitue une forme de rémunération préférentielle, "Preferred return", en-dessous de laquelle il n’y a pas de partage. Et d’autre part, le partage de la fraction du profit au-delà du seuil. Selon ce qui est préalablement décidé, le partage peut soit faire l’objet d’une unique répartition "split" (cf. 80/20 dans notre exemple ci-dessus), soit faire l’objet de répartitions différentes en fonction d’autre seuils progressifs plus élevés. Par exemple, en dessous d’un preferred return de 10 % pas d’intéressement, ensuite, le cas échéant selon la performance finale, 20 % de la fraction du profit situé entre 10,0 % et 15,0 % de rendement annuel sera pour le gestionnaire, ensuite 30 % de 15,0 % à 20,0 % et enfin 40 % pour la partie du profit au-delà de 20,0 %. Il faut noter que dans ce cas, au lieu de n’avoir qu’une seule hurdle, il y en a trois : hurdle 1 à 10 %, hurdle 2 à 15 % et hurdle 3 à 20 %.
  • La présence de plusieurs seuils (hurdles) aboutit à une forme de paiements successifs de l’intéressement en cascade "waterfall". Au premier niveau, la fraction du profit en dessous de 10,0 % de rendement est canalisée vers l’investisseur. Au deuxième niveau, du solde restant, la fraction du profit entre 10,0 % et 15,0 % est identifiée, 20 % sont canalisés vers le gestionnaire, et 80 % vers l’investisseur. Au troisième niveau, du solde restant, la fraction du profit entre 15,0 % et 20,0 % est identifiée, 30 % sont canalisés vers le gestionnaire, et 70 % vers l’investisseur… et ainsi de suite.
  • Si tout cela vous parait néanmoins compliqué, simplifiez vous la vie, oubliez promotes et hurdles et choisissez, comme au siècle précédent, une règle simple très pratiquée aux Etats-Unis dans l’industrie pétrolière naissante : le tiers pour un quart "the third for a quarter". Selon cette règle, un arrangeur (le sponsor) réunissait trois investisseurs pour financer à part égale un puit de pétrole (donc chacun un tiers, the "third"), alors qu’ils n’avaient chacun droit qu’à 25 % (a "quarter") des intérêts : la propriété du puit. Les derniers 25 % allaient au sponsor qui avait inventé le projet et réuni les investisseurs.

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